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v J.-J. GOURD. – LES TROIS DIALECTIQUES. 137

dans ’le ’sens de ce devoir, n’est-ce pas s de prendre soi-même’ les devants, et d’en donner l’exemple ? Mais sce n’est pas seulement de sécurité que l’égoïsme a besoin, c’est aussi de bienveillance, d’attentions aimables, de mille pelits services qui ne peuvent être obtenus s que si tout le monde s’y prête volontiers. Vraiment ;= si les membres de la société humaine restaient raides et durs entre eux, moins que /J~ cela, étroitement « regardants », s’ils s’attachaient à balancer minutieusement Je doit et l’avoir,, le reçu et le donné, ils se priveraient d’avantages considérables, même au point de vue de leur égoïsme. Et puis, n’y a-t-il pas quelque solidarité entre le bien de tous et notre propre bien, et ne nous revient-il donc rien de ce que nous faisons pour les autres ? Sans oublier le plaisir dont parle e Hobbes, le plaisir personnel de puissance, que l’on éprouve dans • l’accomplissement -du bienfait. Sans oublier non plus le plaisir qui résulte de l’approbation d’autrui, et que les lois de l’association nous font ressentir même dans les cas où cette approbation n’est pas exprimée. –Enfin, pourquoi la morale du bonheur serait-elle condamnée à argumenter exclusivement au point de vue de l’égoïsme ? Qu’on explique comme on voudra l’intérêt de sympathie, de bienveillance, d’affection, bref l’intérêt directement altruiste ; qu’on le e Y tienne pour inné ou acquis ; acquis à la suite d’associations héréditaires, ou simplement dans le cours de notre vie individuelle ; sous l’empire des circonstances sociales, ou au .cours d’un processus psychologique et physiologique avec une -grosse part ou avec une faible part d’égoïsme, – toujours est-il qu’on ne peut faire abstraction do cet intérêt, qu’il est la source de nombreux et vifs plaisirs, et qu’il importe de lui donner une grande extension dans la vie. Si vous.voulez être heureux, cultivez en vous la faculté de vous intéresser aux autres-, surtout aux diverses collectivités humaines ; à défaut de sentiments réels, prenez en considération vos sentiments possibles ; n’aimeriez-vous pas autrui, faites comme si- vous l’aimiez, ~S~ cela vous amènera à l’aimer un jour, el vous serez largement payé de votre peine.

̃ En somme,. celui. qui se conformerait, rigoureusement aux prescriptions de la morale du bonheur – nous n’en avons indiqué que ’quelques-unes, et sans épuiser toutes les considérations en leur faveur > -~1-’f – obtiendrait un accroissement sensible de plaisir, par conséquent ` i de force volontaire. Il y perdrait quelque chose sans doute. Certains

plaisirs .doivent être radicalement exclus, car ils. sont- destructeurs