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a., darlu. – La Solidarité. 12i>

culicr, par quel miracle M. Bourgeois attend-il que d’une solidarité naturelle qui n’est qu’inégalité et oppression sortira une règle d’égalité et de justice. Vauvenargues a dit avec sa concision habituelle « II est faux que l’égalité soit une loi de la nature. La nature n’a rien fait d’égal sa loi souveraine est là subordination et la dépendance.» A.u reste, M. Bourgeois finit par élever la conscience au-dessus de cet amas confus de lois scientifiques parmi lesquelles il s’était plud’abord à en choisir deux afin d’en retirer, par une interprétation complaisante, deux idées morales l’idée de la liberté individuelle,, extraite de la loi de la concurrence vitale, et l’idée de la fraternité sociale empruntée à la loi de solidarité. Or, dans la seconde partie de son livre, il détourne les yeux de la nature pour concevoir dans l’abstrait un ensemble de personnes libres et raisonnables qui selient par un contrat.’ Et alors, comme’ s’il avait jeté tout son lest scientifique, il s’enferme dans cette abstraction et’il y enferme la1 morale avec lui, sans prendre, garde que cette idée extrêmement simple et théorique, schématique même, d’un contrat ou d’un quasicontrat non seulement n’a plus aucun rapport avec la biologie ni avec la sociologie positive, mais encore qu’elle en a bien peu avec notre nature, d’homme, et avec la nature de la société. M. Bourgeois’ en vient à nous dire, par une sorte de crainte superstitieuse des entités je pense, que l’État n’est rien, que la société n’a pas d’existence propre, qu’elle consiste proprement dans un quasi-contrat, que nous’ ne lui devons rien, par conséquent Cette sorte d’indi-_ vidualisme extrême (qui en politique conduirait logiquement à l’anarchie) efface, ce me semble, toute dette.des hommes envers la société, toute solidarité des hommes avec le passé, toute’ solidarité des générations successives. Il contredit donc à la fois et l’idée ’f morale conçue par M. Bourgeois et sa thèse Mais la 1. Peut-être aura-t-on de la peine à croire à, cette conséquence extrême, ou plutôt à cette inconséquence étrange qui semble inspirée à M. Bourgeois par lesthéories des économistes à paradoxe, comme M. Yves Guyot. Il faut citer p. 88, « Nous acceptons cette réponse de M. Yves Gùyot à M. Lafargue « Quand les socialistes parlent de la société, des droits et des devoirs de la société et les opposent aux droits de l’homme, ils attribuent à cette société une existence :,j propre, une vitalité spéciale, une grâce particulière que ne lui donnent pas les individus qui la composent, et ils oublient de répondre à la question suivante, qu’est-ce que cette société ? » Et M. Bourgeois continue « Ce n’est donc pas entre l’homme et L’État ou la société que se pose le problème du droit et du devoir, mais entre les hommes eux-mêmes. Il ne .s’agit pas de définir les droits que la société pourrait avoir sur les hommes, mais les droits et les. devoirs réciproques que le fait de l’association crée entre les hommes, seuls êtres réels, seuls sujets possibles d’un droit et d’un devoir. » P. 92.