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G. NOEL. LA LOGIQUE DE HEGEL. 71 1

de vue humanitaire. L’esprit s’affranchit du servage de la nature en découvrant en elle la vérité logique, c’est-à-dire sa propre essence. Mais le point de vue définitif, qu’on pourrait appeler théologique, c’est celui de l’Idée absolue éternellement consciente d’elle-même dans et par sa double manifestation. Dans cette suprême plénitude de sa réalisation la nature et l’histoire ne sont plus pour elle que des moments désormais dépassés ; leur être immédiat et indépendant s’est évanoui comme une vaine illusion et, par cela même, elles ont atteint leur indéfectible réalité.

Loin donc que Dieu ne subsiste que dans le monde et emprunte sa réalité aux êtres finis, ceux-ci, tout au contraire, ont en Dieu leur véritable subsistance, et sur ce point du moins Hegel s’accorde avec Spinoza. Dira-t-on que le panthéisme consiste précisément à soutenir que les êtres finis n’ont leur subsistance qu’en Dieu, de sorte que la substance divine soit en réalité la substance unique, que l’être de Dieu et celui des choses demeure au fond un seul et même être ? Il convient tout d’abord de remarquer que le terme de panthéisme prend ici une signification toute différente de celle que nous lui avons donnée tout à l’heure. Si Dieu est le Tout, il n’a pas à proprement parler de subsistance inconditionnée ; il est un composé, une résultante, non le principe suprême de tout être et de toute vie, en un mot il n’est plus Dieu. Le concevoir ainsi, c’est,. sciemment ou non, le ravaler au rang d’un être dépendant et borné. Qu’il soit au contraire la substance universelle, cela n’implique immédiatement pour »lui aucun abaissement, aucune déchéance. Il importe ensuite de ne pas se laisser effrayer par les mots, fût-ce par ce terrible vocable de panthéisme. L’être fini, précisément parce qu’il est tel, ne peut subsister absolument en soi et pour soi ; il n’a d’être -que dans et par sa relation avec Dieu. Si c’est cela qu’on entend en disant que Dieu est sa substance, il faut se résigner à être panthéiste ou retourner à l’hypothèse d’une matière incréée. Si les créatures tiennent de Dieu tout leur être, elles n’en sauraient être absolument distinctes, c’est-à-dire séparables, elles ne sauraient subsister ni être conçues que dans une dépendance totale à son égard. Se demander si Dieu les crée de rien ou les tire de sa propre substance, c’est, nous semble-t-il, s’attarder à une question toute verbale ou qui n’a de sens que pour une imagination grossièrement matérialiste. Il est clair que Dieu n’a pas pétri le néant comme un potier pétrit l’argile. Il est non moins évident que lui-même