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.66 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Spinoza que le vain reflet et l’inutile doublure. Nous sommes avec lui aux antipodes de l’idéalisme. Son Dieu ne saurait s’appeler Esprit ; la définition aristotélique et hégélienne vàrpv ; vôfast) ? lui serait inapplicable. Certes ce Dieu est une chose pensante, mais c’est tout aussi bien une chose étendue. Il possède en outre, une infinité d’attributs dont nous ne pouvons nous faire aucune idée et qui tous lui sont aussi essentiels que la pensée. Celle-ci n’est donc pas son essence puisqu’elle est expressément définie comme une partie de cette essence. D’ailleurs, entre les attributs, aucune distinction de rang ; nul d’entre eux n’a sur les autres une prééminence quelconque. Tous sont des expressions équivalentes d’une même réalité foncière ; tous se suffisent à eux-mêmes et n’ont de relation essentielle qu’à leur substance commune. Si Dieu est esprit, il est aussi bien matière, et une infinité d’autres choses que nous ne saurions nommer ni concevoir.

Avant tout il est, puis il est étendu, pensant, etc. Son être préexiste logiquement à toutes ses déterminations. 11 est la chose res ; sa réalité, ou plus exactement sa réité, est sa véritable essence ; elle conditionne tous ses attributs et n’est conditionnée par aucun d’eux. Le Dieu de Hegel est pensée pure ; il crée le monde en le pensant et se crée ainsi en quelque sorte lui-même. Chez Spinoza la pensée divine ne crée rien. Elle se développe parallèlement aux autres attributs et les reflète passivement, si toutefois elle ne se borne pas à refléter l’attribut étendue. Il est vrai que Spinoza détermine expressément la substance infinie comme cause de soi-même, causa sui, et. par là semble identifier son être avec l’activité qu’elle déploie ; mais cette formule ne doit pas nous faire illusion. D’abord l’activité par laquelle Dieu se donnerait l’être à lui-même ne peut être pour l’auteur une activité purement spirituelle. Il ne saurait, en effet, l’admettre sans se contredire ; sans reconnaître à la pensée, parmi les attributs divins, une place à part et une indéniable prééminence. Ensuite le caractère dynamiste de la formule est au fond une pure apparence, apparence bien vite dissipée par la définition même de l’auteur. J’appelle, dit-il, cause de soi, ce dont l’essence implique l’existence id cujus essentiel involvit existentiam. Ce qui précède suffit à prouver que Hegel ne saurait passer pour le restaurateur ou le continuateur du spinozisme. Dira-t-on qu’il l’a renouvelé ? Au moins faudra-t-il accorder qu’il s’agit d’une rénovation si profonde qu’elle ressemble singulièrement à une création origi-