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L. WEBER. IDÉES CONCRÈTES ET IMAGES SENSIBLES. 59- j. l’être aussi fortement que les axiomes des métaphysiciens. En ce sens, toute idée, par l’existence logique dont elle est inséparable, est vérité évidente et critérium de certitude. Et il devient inutile de pousser la réflexion au delà du premier degré d’affirmation impliqué dans l’idée concrète ; affirmer l’existence d’une chose dispense d’affirmer l’existence soit du moi qui pense cette chose, soit de la Substance dont les choses ne seraient que les accidents.

Notre esprit vit ainsi au’ milieu des idées, et les événements ne déterminent apparemment son action dans ce qu’elle a de concevable et d’explicable qu’en se transformant en idées et en êtres. C’est aux idées que s’applique le langage ; c’est sur les idées que portent les jugements et les raisonnements explicites. Bien que les images résultant de la perception soient loin d’être elles-mêmes des données, immédiates de la sensibilité, et que, dans les procédés de la perception, l’analyse retrouve en germe les opérations du,raisonnement discursif, de telle sorte qu’on a pu définir l’esprit « une chose qui raisonne », cependant l’esprit humain, en créant les êtres qui sont les idées, monnaie courante des échanges entre les consciences, en s’appuyant sur l’existence logique pour tout conquérir, s’est plus qu’aucun autre éloigné du monde sensible. Il n’y rentre que par accident, quand les idées lui font défaut, ou quand une sensation intense vient subitement interrompre le cours de sa vie ordinaire. Il est donc plus qu’ « une chose qui raisonne », il est une « chose qui pense », c’est-à-dire qui s’entoure d’êtres, agissant sur lui et subissant ses réactions.

Ce qu’on appelle monde extérieur, le monde des êtres et des événements réels, se compose d’idées signifiées par des mots, de la même manière que le monde idéal des concepts et des abstractions ; et, de l’un à l’autre, la différence réside principalement dans le degré de liaison avec les sensations, les perceptions et les images. La réalité sensible est autre ; plus vaste et plus restreinte à la fois, elle est présente dans tout fait de conscience, mais, fugitive et inac-.cessible, elle s’efface pour faire place à l’être existant, symbole logique, chaque fois que le fait de conscience devient objet de pensée, une chose ou une idée. Le réel est partiellement inconnaissable parce’ que la connaissance superpose une réalité mentale à la réalité qu’elle veut atteindre, et le connaissable est’ aussi réel que l’inconnaissable, seulement sa réalité n’est pas l’entière réalité. ; Nous ne connaissons rien en dehors de l’être ; or, ce ,que nous sen-,