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les détails. On voit aussi qu’une idée d’objet singulier ne se laisse résoudre qu’incomplètement en idées générales agrégées de telle ou telle façon ; car il reste encore à tenir compte du ciment qui les relie. Un nom propre d’homme évoque, il est vrai, tous les attributs de l’homme en général et des différentes classes de l’humanité, avec les rapports que ces idées renferment et les habitudes qu’elles représentent en chaque esprit. Mais, si voisines que soient les dispositions mentales individuelles que développent ces idées et quelque irrésistible que soit alors la tendance qui porte les esprits à vibrer à l’unisson, l’identité logique, par laquelle plusieurs pensent un même et unique objet, étant donnés les modes nécessairement différents, parce qu’individuels, suivant lesquels s’effectue l’acte de penser, ne serait point obtenue. Elle l’est grâce à une fonction psychologique distincte, la fonction fondamentale de la pensée discursive, qui institue, pour toute idée désignée par un nom, l’existence logique par laquelle s’affirme l’être.

D’autres exemples conduiraient au même résultat et il est inutile de les multiplier. La leçon qu’on en tirerait se réduirait toujours à ceci de l’idée la plus concrète et la moins générale au percept la distance est grande, et c’est en vain que certaine psychologie essaie de la raccourcir. Percevoir un objet et en conserver l’image n’équivalent de loin pas à le penser, s’en former une idée et le nommer. Le nommer et le penser, c’est d’abord lui assigner une existence d’un autre ordre que l’existence sensible. Que l’on comprenne bien, en effet, ce qu’il faut entendre par existence logique. La perception extérieure est perception de quelque chose, elle pose donc une réalité objective en face du sujet ; mais de quel ordre est cette réalité ? C’est une réalité strictement relative au sujet qui perçoit et qui ne se dégage pas de la condition d’être perçue. Elle se sépare du sujet, sans doute, mais dans l’acte même de la perception, qui, d’autre part, l’unit par un lien- tenace au sujet, et nullement de la manière inconditionnelle exprimée par l’affirmation explicite et positive d’une existence indépendante. Les images représentées par la mémoire, après l’enregistrement des perceptions, ne possèdent pas plus que celle qui se forme au moment de l’impression présente •cette existence sur laquelle porte le jugement énoncé en proposition. Faibles ou fortes, contrariées ou renforcées par les perceptions actuelles, à l’état de souvenirs ou d’hallucinations, ce ne sont toujours que des images, qui ne durent qu’un temps, et dans la con-