Page:Revue de métaphysique et de morale, 1896.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée

L. WEBËR. – IDÉES CONCRÈTES ET IMAGES SENSIBLES. 41 rence. On s’explique mieux, en’outre, comment les idées concrètes prennent naissance. Elles ne sont pas un- résidu des perceptions proprement dites ; elles sont la trace des actions dont les objets sont cause et but ; elles synthétisent notre attitude vis-à-vis d’eux et marquent l’intérêt pratique que nous leur portons. Ainsi des concepts, qui sont des formules résumées d’expériences nombreuses et des règles condensées de conduite possible. L’idée singulière se forme et se compose comme l’idée générale et abstraite ; elle est, au fond, de même nature.

Par là se trouve en même temps réfutée l’assertion suivante de Rëid « Les noms propres signifient des individus et non des idées. Un nom propre ne signifie que l’individu dont il est le nom, et, quand nous l’appliquons à l’individu, nous n’affirmons et nous ne nions rien de lui 1. » Sans doute, on peut penser à un individu sans prononcer aucun jugement explicite, mais le fait même de le penser et d’attribuer à son nom une signification suppose une multitude de jugements virtuels non énoncés, demeurés en puissance et qui- n’attendent qu’une occasion pour passer à l’acte. Une idée singulière est comparable à un réservoir d’idées géuérales ; ce que les logiciens expriment en disant qu’un objet singulier est sujet possible d’un nombre indéterminé d’attributs, et complément possible dans un nombre indéterminé de propositions.

Mais si les idées générales sont la matière de l’idée singulière dont le vocable, sans elles, se réduirait à un son dépouvudesens, à un flatus vocis, elles-n’en sont point la forme ; elles sont incapables de lui conférer l’identité logique d’où dérive sa réalité mentale indépendante et sui generis.

Lorsqu’entre amis assemblés, on parle d’une personne absente, les idées générales qu’évoque son nom, autrement dit les attributs qui se pressent alors dans l’esprit de chacun, les associations et les rapports divers qui entrent en jeu apparaissent groupés et liés d’une manière déterminée, ou, plus exactement, comme uniformément nuancés et fondus dans une teinte spéciale qui empêche toute méprise et toute confusion. Le nom éveille d’abord des tendances et des habitudes communes qui disposent les esprits à adopter un rythme collectif et à se régler les uns sur les autres, comme les horloges aux- >. "quelles Leibnitz fait allusion. Mais le mode même du rythme et sa I. Essais sur les facultés intellectuelles, trad. Jouffroy, IV, p. 245 ef 247.