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E. BATAILLON. L0D1S PASTEUR. 23 3

Le 4 juillet 1885, Pasteur appliquait pour la première fois à l’homme le traitement antirabique.

C’était un jeune Alsacien, J. Meister, cruellement mordu par un chien. Le Dr Grancher pratiquales inoculations, et depuis le 27 juillet, jour de son retour en Alsace, l’enfant ri’éprouva pas le moindre symptôme. Puis ce fut le tour de Jupille, ce grand garçon jurassien qui, à quinze ans, pour protéger des enfants plus jeunes, avait terrassé un chien" hydrophobe et l’avait assommé à coups de sabots. Jupille arrivait six jours après ses blessures. Le vaccin, malgré ce retard, put devancer l’explosion du virus rabique. Depuis lors la statistique des succès s’enrichit rapidement. Et Pasteur n’eut pas à dissimuler, comme on le’lui reprocha, les rares échecs qui s’expliquent trop souvent par un retard regrettable dans l’application de la méthode. Tel le cas de cette petite fille de dix ans, Louise Lepelletier, qui se présentait au laboratoire trente-sept jours après avoir été mordue.

Les critiques et les calomnies qui suivirent cette tentative infructueuse faite par Pasteur dans ; un cas désespéré et uniquement par un sentiment d’humanité, ces critiques et ces calomnies, le grand savant en allait être consolé.

Le li novembre 1888 avait lieu l’inauguration solennelle de l’Institut Pasteur. Une souscription nationale donnait au bienfaiteur de l’humanité et à ses collaborateurs les locaux nécessaires aux besoins du nouveau traitement et de vastes laboratoires pour la recherche. Ce magnifique établissement, qui couronne l’œuvre de Pasteur, nous en offre comme la synthèse. Venus de tous les coins de l’Europe, les savants s’y sont groupés autour du Maître, et dans les services variés qu’il a organisés chacun d’eux saura faire revivre sous l’une de ses diverses faces le génie disparu. Voilà l’œuvre réduite à ses éléments principaux, dégagée même du cortège des satisfactions morales qu’elle valut à sou auteur, car elle porte en elle-même sa récompense : c’est le jugement de la postérité. Le point culminant de ce vaste édifice peut être sujet à quelques oscillations, mais la base est inébranlable et l’architecture générale restera avec la marque du cerveau puissant qui l’a conçue. Du reste les disciples ont les yeux fixés sur ce sommet plus fragile, et Pasteur a voulu reposer au milieu d’eux pour leur rappeler incessamment qu’ils doivent y veiller. ̃