Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 13, 1908.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

173. — Un homme alla un jour à Scété voulant devenir moine[1] ; il avait avec lui son fils qui venait d’être sevré. Lorsque celui-ci grandit, il eut à lutter et dit à son père : Je vais dans le monde, car je ne puis supporter la lutte. Son père le pria longtemps et le jeune homme lui dit encore : Abbé, je ne puis plus résister, laisse-moi partir. Son père lui dit : Écoute-moi, mon fils, encore cette fois : prends quarante couples de pain et des branches (à tresser) pour quarante jours, puis va dans le désert intérieur et reste là quarante jours, puis que la volonté du Seigneur soit faite. Il obéit à son père, alla au désert et souffrit à tresser des branches sèches et à manger du pain sec. Il y demeura vingt jours et vit un prodige (diabolique) venir près de lui. Il vit devant lui comme une négresse très fétide, au point qu’il ne pouvait supporter son odeur. Il la chassait donc et elle lui dit : Je parais douce aux cœurs des hommes, mais, à cause de ton obéissance et de ton travail, Dieu ne m’a pas laissée te séduire et te (cacher) ma puanteur. Il se leva, rendit grâces à Dieu, vint près de son père et lui dit : Je ne veux plus aller dans le monde, abbé, car j’ai vu son action et la puanteur (de la femme). Son père fut édifié à son sujet et lui dit : Si tu avais attendu les quarante jours et si tu avais observé mon précepte, tu aurais vu mieux que cela.

174. — On racontait d’un père que c’était un séculier et qu’il regrettait sa femme[2]. Il le raconta aux pères, et ceux-ci, sachant que c’était un travailleur qui en faisait plus qu’on ne le lui disait, lui imposèrent un genre de vie qui affaiblit son corps au point qu’il ne pouvait se tenir debout. Par un effet de la divine Providence, un père étranger vint à Scété ; il passa devant sa cellule, la vit ouverte et passa, fort étonné de ce que personne n’était sorti à sa rencontre. Il se retourna donc et frappa en disant : Peut-être que ce frère est malade. Après avoir frappé, il entra et le trouva en grande faiblesse. Il lui dit : Qu’as-tu, frère ? Et il lui raconta disant : Je suis un séculier et maintenant l’ennemi me combat au sujet de ma femme, je l’ai raconté aux pères qui m’ont imposé diverses lignes de conduite et, en les suivant, je suis devenu malade tandis que la lutte augmente. Le vieillard l’entendant fut affligé et lui dit : Certes les pères, en hommes d’autorité, t’ont imposé de bonnes lignes de conduite, mais si tu veux écouter mon Humilité, laisse tout cela, prends un peu de nourriture en son temps, fais ton petit office et confie tous tes soucis au Seigneur, ce que tu ne peux faire avec tes durs travaux. Car notre corps est comme un habit : si tu t’en occupes, il dure, mais si tu ne t’en occupes pas, il pourrit. Il lui obéit et fit comme il le disait et, en peu de jours, la tentation le quitta.


(À suivre.)


  1. B, p. 663, no 577. Ms. 1596, p. 323 ; L, fol. 162v ; Paul, 210 ; Coislin 127, fol. 88v ; M, 879, no 23.
  2. B, p. 708, no 20 ; Paul, 213 ; Coislin 127, fol. 89 ; M, 886, no 40.