Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 13, 1908.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

154. — Un moine[1], rencontrant des moniales sur son chemin, s’écarta de la route. La supérieure lui dit : Si tu étais un moine parfait, tu ne nous aurais pas regardées comme des femmes[2].

155. — Un frère[3] porta ses derniers petits pains aux cellules, et convoqua (au repas) une table de vieillards. Lorsque chacun d’eux eut mangé près de deux petits pains, il s’arrêta. Le frère, connaissant leur grand ascétisme, s’excusa et dit : Par le Seigneur ! mangez jusqu’à ce que vous soyez rassasiés. Et ils mangèrent dix autres petits pains. Telle est la proportion que ces véritables ascètes observaient entre la nourriture et leur besoin[4].

156. — Un vieillard fut affligé d’une grave maladie[5] au point que ses entrailles rejetaient beaucoup de sang. Des sébestes secs[6] se trouvaient justement en la possession d’un certain frère qui fit une bouillie et les mit dedans. Il les porta au vieillard et le pria de les goûter, disant : Fais charité, mange, peut-être cela te sera-t-il bon. Le vieillard le regarda longuement et dit : En vérité, je voudrais que Dieu me laissât dans cette maladie durant trente autres années. Le vieillard dans une si grande infirmité n’accepta même pas de manger une petite bouillie et le frère, la prenant, retourna à sa cellule.

157. — Un autre vieillard[7] demeurait dans le grand désert. Il arriva qu’un frère, le rencontrant, le trouva malade. Il le prit, le lava, fit un peu de bouillie avec ce qu’il avait apporté et lui offrit à manger. Le vieillard lui dit : En vérité, frère, j’avais oublié que les hommes avaient cette consolation. Il lui porta aussi une coupe de vin ; en la voyant, il pleura et dit : Je n’avais pas pensé boire du vin avant ma mort.

158. — Un vieillard[8] eut l’ascétisme de ne pas boire durant quarante jours ; lorsqu’il avait la fièvre, il lavait le seau, le remplissait d’eau et le suspendait devant lui. Un frère lui demandant pourquoi il faisait cela, il répondit : Afin que je souffre davantage lorsque j’ai soif et que je reçoive de Dieu une récompense plus forte.

159. — Un frère[9] voyageait avec sa mère qui était vieille. Lorsqu’ils arrivèrent au fleuve, la vieille femme ne pouvait passer ; son fils prit son maphorion (sa pèlerine) et s’en enveloppa les mains pour ne pas toucher le corps de sa mère, puis il la porta et la passa de l’autre côté. Sa mère lui dit : Mon fils, pourquoi as-tu enveloppé tes mains ? Il lui dit : Parce

  1. B, p. 715, no 34. Coislin, fol. 78v ; M, 872, no 62.
  2. Le latin porte : « tu ne nous aurais pas regardées et tu n’aurais pas vu que nous étions des femmes ».
  3. B, p. 468, no 71. Coislin 127, fol. 78v ; M, 872, no 64.
  4. Ils mangeaint donc au sixième de leur faim.
  5. B, p. 467, no 66 ; L, fol. 15r. Coislin, fol. 78v ; M, 872, no 65.
  6. Le latin porte « nixa sicca » et semble conclure, dans l’Onomasticon, qu’il peut s’agir de pruneaux.
  7. Coislin 127, fol. 78v ; M, 873, no 66.
  8. B, p. 468, no 68 ; L, fol. 22r ; Paul, 87 ; Coislin 127, fol. 79 ; M, 873, no 67.
  9. B, p. 588, no 387 ; Paul, 226 ; Coislin 127, fol. 79 ; M, 873, no 68.