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138. — Un frère rencontra un vieillard[1] et lui demanda : Abbé, pourquoi mon cœur est-il dur et n’ai-je pas la crainte de Dieu ? Le vieillard lui dit : Je pense que si un homme applique son cœur à se blâmer, il acquerra la crainte de Dieu. Le frère lui dit : Qu’est-ce que ce blâme ? Le vieillard lui dit : C’est que l’homme en toute chose réprimande son âme et lui dise : Souviens-toi qu’il te faut aller au-devant de Dieu ; dis-lui aussi : Qu’ai-je de commun avec l’homme ? — Je pense que si quelqu’un est dans ces sentiments, la crainte de Dieu lui viendra.

139. — Un vieillard[2] vit quelqu’un rire et lui dit : Nous devons rendre raison de toute notre vie en présence du ciel et de la terre, et tu ris !

140. — Un vieillard dit[3] : De même que nous portons chacun notre malice[4] partout où nous allons, ainsi nous devons avoir avec nous les larmes et la componction partout où nous sommes.

141. — Un frère[5] demanda à un vieillard : Que ferai-je ? Il lui dit : Il nous faut toujours pleurer. Car il arriva jadis qu’un père mourut et revint à lui après plusieurs heures. Nous lui demandâmes : Qu’as-tu vu là, abbé ? Et il nous raconta en pleurant : J’ai entendu en cet endroit des voix en pleurs qui disaient sans cesse : Malheur à moi, malheur à moi ! C’est ce qu’il nous convient aussi (de dire) en tout temps.

142. — Un frère[6] demanda à un vieillard : Pourquoi mon âme désire-t-elle pleurer comme j’entends les vieillards le faire, et les larmes ne viennent pas et mon âme est affligée ? Le vieillard lui dit : C’est au bout de quarante ans que les fils d’Israël sont entrés dans la terre promise. Si tu arrives à y entrer, tu ne craindras plus de guerre. Car Dieu veut que l’âme soit tourmentée, afin qu’elle désire toujours entrer dans cette terre.

143. — Un frère demanda à un vieillard[7] : Comment serai-je sauvé ? Celui-ci quitta sa tunique, ceignit ses reins, éleva les mains vers le ciel et dit : Voilà comment le moine doit être : Dépouillé de tout le matériel de la vie et crucifié. L’athlète combat dans les luttes et le moine doit élever ses mains en croix vers le ciel en invoquant Dieu. L’athlète se dépouille de ses habits pour combattre dans le cirque, ainsi le moine doit être nu et immatériel ; (l’athlète) est oint d’huile et instruit par un ancien sur la manière de combattre. C’est ce que fait Dieu qui nous donne la victoire.

  1. B, p. 734, no 78 ; L, fol. 93v ; Coislin 127, fol. 60. M, 864, no 22 ; 1045, no 4.
  2. Coislin 127, fol. 60 ; M, 864, no 23.
  3. Coislin 127, fol. 60 ; M, 864, no 24.
  4. M et C 127 : l’ombre de nos corps.
  5. Coislin 127, fol. 60 ; M, 864, no 26.
  6. Coislin 127, fol. 60 ; M, 864, no 27.
  7. B, p. 497, no 158 ; Paul, 406. Coislin 127, fol. 108v ; M, 891, no 16. La fin manque dans le latin et dans le Ms. 127.