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et celui-ci lui dit : Accompagne-le, et Dieu, à cause de la peine que tu prendras, ne le laissera pas tomber. — Ils partirent pour les lieux habités et, lorsqu’ils arrivèrent près d’un village, Dieu, voyant la peine qu’il prenait, enleva la tentation de son frère. Celui-ci dit : Retournons au désert, frère, car, supposons que j’aie péché, à quoi cela me servirait-il ? Et ils retournèrent sains et saufs à leur cellule.

181. — Un frère, tenté par le démon, alla trouver un vieillard et lui dit[1] : Ces deux frères sont ensemble (et font le mal). Le vieillard comprit que le démon le tentait et il appela les deux frères. Lorsque le soir fut venu, il leur déroula une natte et les couvrit d’une même couverture en disant : Les enfants de Dieu sont saints. Et il dit à son disciple : Enferme ce frère dans une cellule à part, car c’est lui qui est tenté.

182. — Un frère dit à un vieillard[2] : Que ferai-je ? car les pensées honteuses me tuent. — Le vieillard lui dit : Lorsque la mère veut sevrer son enfant, elle frotte ses seins avec une plante amère et lorsque l’enfant vient téter selon son habitude, il s’écarte à cause de l’amertume. Mets donc toi aussi une plante amère. Le frère lui dit : Quelle est cette plante amère qu’il me faut prendre ? Et le vieillard répondit : C’est le souvenir de la mort et des châtiments du monde à venir.

183. — Le même interrogea un autre vieillard sur le même sujet[3]. Et le vieillard lui dit : Je n’ai jamais de tentation semblable. — Le frère fut scandalisé ; il alla trouver un autre vieillard et lui dit : Voilà ce que m’a dit un tel vieillard et j’ai été scandalisé parce que cela surpasse la nature. L’autre lui dit : Ce n’est pas sans motif que l’homme de Dieu t’a dit cela. Va donc lui demander pardon pour qu’il te découvre le sens de sa parole. Le frère se leva donc, alla près du vieillard et lui fit repentance en disant : Pardonne-moi, père, j’ai agi sottement en te quittant avec mauvaise disposition ; je te prie de m’expliquer pourquoi tu n’as pas été tourmenté par l’impureté. Le vieillard lui dit : Depuis que je suis moine, je ne me suis rassasié ni de pain, ni d’eau, ni de sommeil, et la souffrance (provenant) de ces privations n’a jamais cessé de me tourmenter et ne m’a pas laissé sentir les tentations dont tu parles. — Et le frère partit édifié.

184. — Un frère demanda à l’un des pères[4] : Que ferai-je ? Ma pensée est toujours pour l’impureté, elle ne me laisse pas reposer une heure et mon âme est affligée. — Il lui dit : Lorsque les démons sèment ces pensées, ne parle pas avec eux, car c’est leur rôle de semer partout, et ils n’y manquent pas, mais ils ne peuvent s’imposer. Il ne dépend que de toi d’accepter ou de ne pas accepter. Tu sais ce qu’ont fait les Madianites[5] ? Ils ont orné leurs filles et les ont mises (sur le chemin des

  1. M, 881, n° 29 ; Coislin 127, fol. 92.
  2. M, 881, n° 30 ; Coislin 127, fol. 92 ; Paul, 210 ; L, fol. 178.
  3. M, 88, n° 31 ; Coislin 127, fol. 92v ; Paul, 210.
  4. M, 882, n° 32 ; Coislin 127, fol. 92v ; B, 658, n° 566 ; L, fol. 87v.
  5. Le ms. 126 porte : Εἶδες τί ὲποίησαν οἱ Μαδιηναῑοι. Ici, comme en bien d’autres endroits, nous suivons l’orthographe du ms. 127.