le moyen du prix multiple. Parlant, à la fin de son travail De l’influence des péages sur l’utilité des voies de communication[1], de la solution que comportent toutes les questions relatives à l’exploitation d’un monopole, « cette solution, dit Dupuit, repose sur ce principe général, c’est qu’il faut demander pour prix du service rendu non pas ce qu’il coûte à celui qui le rend, mais une somme en rapport avec l’importance qu’y attache celui à qui il est rendu ». Nous ne saurions, quant à nous, accepter sans restrictions ce soi-disant principe qui, énoncé d’une façon aussi absolue, serait destructif de toute justice. Que ce soit l’intérêt du monopoleur d’entretenir sur le marché non plus un seul prix de vente égal au prix de revient, non plus même un seul prix de bénéfice maximum, mais plusieurs prix égaux aux plus grands sacrifices pécuniaires pouvant être consentis par les consommateurs, cela ne fait aucun doute ; que ce soit son droit, c’est une autre affaire.
À cet égard, nous reviendrons à notre précédente distinction. Que s’il s’agit d’une industrie ou d’un commerce susceptible de libre concurrence, ou d’un monopole basé sur le droit ou l’intérêt général, nous n’avons rien à dire. Dans ces conditions, c’est le droit de l’industriel ou du commerçant de vendre le même produit à des prix différents, comme, d’autre part, c’est le droit du chaland de l’acheter ainsi si cela lui fait plaisir. Je dis le même produit, alors qu’il y aurait identité parfaite ; à plus forte raison s’il y a une différence quelconque de nature, ou de qualité, ou d’apparence. Un chocolatier multiplie les enveloppes et les étiquettes, un libraire multiplie les formats et les papiers, en évitant tous deux avec soin ce qui serait une tromperie sur la qualité de la marchandise, en vue de vendre le même chocolat ou le même ouvrage à des prix différents. Vous estimez que la différence des prix n’est pas justifiée par la différence de forme des produits ; achetez en conséquence, ou, s’il vous plaît de payer non un produit réel, mais la satisfaction d’un caprice, ne vous plaignez pas.
Maintenant, cela dit, et alors qu’il s’agirait d’un monopole de fait, il nous sera bien permis de demander pourquoi à la faculté d’élever le prix de vente du niveau du prix de revient à celui du prix de bénéfice maximum, le monopoleur joindrait
- ↑ Annales des Ponts et Chaussées, nos de mars et avril 1849.