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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

mais ceux qui appartiennent à cette époque en ont conservé le lugubre souvenir ; pour ceux qui ne naquirent que plus tard à la vie politique, leur mémoire est comme une de ces grandes leçons qui sont l’enseignement des gouvernements et des peuples. Plus heureux que l’historien qui doit remuer ce sang pour dresser la liste des coupables, nous pouvons jeter un voile sur ces cadavres. C’est une de ces tristes haltes du progrès marquée par un crime, où le philosophe doit poser une croix sans inscription, comme on en voit aux carrefours sinistres, théâtres d’un de ces malheurs qui sont l’opprobre d’une partie de l’humanité et la douleur de l’autre.

Mais nous devons dire quel fut ce déplorable malentendu et quelle en fut la source.

Comme au 16 mars et au 17 avril, le peuple fut hideusement mystifié ! L’enquête Quentin-Bauchard, qui fut moins un procès de personnes que l’instruction complète du rôle, des actes, des paroles de tous les partis, confirme cette assertion que ce ne fut ni une insurrection spontanée, ni le résultat inévitable des maux d’une époque de transition, moins encore l’effet du licenciement des ateliers nationaux. Ce dernier événement fut le signal, non la cause de cette lutte. Depuis longtemps l’action incessante du parti désespéré l’avait rendue inévitable. Durant quatre mois, ses efforts peuvent se résumer ainsi :

Augmenter la détresse par l’absence du travail ;

Arracher aux ateliers privés les ouvriers, pour les enrôler dans les ateliers nationaux ;

Ruiner ainsi l’industrie privée et prolonger ce malaise qui devait forcément aboutir à une catastrophe ;

Tromper ainsi les ouvriers sur les intentions du gouvernement en dénaturant ses actes d’abord, en en paralysant l’effet ensuite ;

Prêcher la révolte partout et partout la défiance ;

Amonceler enfin sur la France des nuages gros de colères qui crèveraient dans un coup de tonnerre.

La Commission des délégués du Luxembourg n’avait trouvé aucun remède aux maux présents dans les théories qui y étaient enseignées ; elle n’avait abouti qu’à envoyer dans les provinces des agents qui faillirent dégoûter, par l’effroi, le pays, de la