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CE QUI TUE LES RÉPUBLIQUES.

années, et qui le rendaient impropre à gouverner, inhabile à se défendre. C’est faute d’avoir compris cette indiscutable solidarité qu’un écrivain vient de faire ce triste livre qui s’appelle : les Hommes de 48. Il serait d’ailleurs plus facile de le qualifier que de le définir. Est-ce une histoire ? est-ce une critique ? mais on y chercherait vainement deux assertions qui ne fussent pas contradictoires : une seule chose ne s’y dément pas un seul instant : je ne sais quel esprit de secte et le parti pris absolu de blâmer.

Ici l’auteur reproche au Gouvernement provisoire de n’avoir pas prévu la crise de Juin ; là il l’accusera de l’avoir provoquée et d’avoir sciemment attisé cet incendie ; plus loin il flétrira les hommes qui opposèrent l’énergie à la révolte armée ; mais auparavant il les blâmait d’avoir augmenté le mal en temporisant. Ainsi, cet auteur croit encore à la toute-puissance des hommes, c’est-à-dire à la tyrannie providentielle du génie mis au service du bien. Si quelque chose montre l’inanité de cette doctrine, c’est précisément l’histoire du Gouvernement de Février.

On sauve un peuple enfant ou un peuple imbécile qui n’a pas plus conscience de ses droits que de ses devoirs : on ne sauve pas un peuple affranchi par la Déclaration de 89 : lui seul est capable de cette œuvre gigantesque, pourvu qu’il ait non pas seulement le désir, mais l’intelligence de la liberté.

89 en rompant ses entraves lui a rendu sa responsabilité : sous un gouvernement monarchique le pouvoir assume cette responsabilité en absorbant ses droits, — sous un gouvernement libre, c’est le peuple qui répond de la liberté.

M. Vermorel a cru sans doute qu’en fouillant dans tous ces douloureux souvenirs il y trouverait des enseignements ; il n’y a recueilli que des ferments de haine pour l’avenir : est-ce la faute de sa méthode ? ou celle de son esprit ?…

Ce livre, qu’il faudrait passer par l’appareil de Marsh pour y trouver une théorie, une doctrine ou un remède nettement indiqué, semble le manifeste d’un parti aussi difficile à définir que le livre de M. Vermorel. S’il n’a pas toujours été sans influence sur la politique et si bien souvent il s’est mis en travers sur la route des gouvernements libres, il n’a jamais été leur ministre actif. Ce qu’on peut dire de sa destinée, c’est