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— Ou bien elle peut le punir, lui, en étant parfaitement charmante pour quelqu’un d’autre !

Mrs. Trenor hocha mélancoliquement la tête :

— Elle sait que cela lui serait égal. Et, d’ailleurs, qui y a-t-il d’autre ? Alice Wetherall ne perd pas de vue son mari. Ned Silverton ne peut détourner ses regards de Carry Fisher, le pauvre garçon ! Gus ne peut pas supporter Bertha, Jack la connaît trop bien… Évidemment, il reste Percy Gryce !…

Elle se redressa, souriant à sa pensée. La physionomie de miss Bart ne refléta pas ce sourire.

— Oh ! elle et monsieur Gryce ne semblent guère faits l’un pour l’autre.

— Vous voulez dire qu’elle le scandalisera, et que lui l’ennuiera ? Eh bien, ce n’est déjà pas un si mauvais début, savez-vous ? Mais j’espère bien qu’elle ne se mettra pas en tête d’être aimable avec lui, car je l’ai invité tout exprès pour vous.

Lily se mit à rire :

— Merci du compliment !… Je ne pourrai certainement pas faire figure à côté de Bertha.

— Croyez-vous que je veuille vous dire quelque chose de désobligeant ? Ce n’est pas mon intention, je vous assure. Chacun sait que vous êtes mille fois plus belle et plus intelligente que Bertha ; mais voilà ! vous n’êtes pas méchante. Et, pour toujours obtenir à la longue ce qu’elle veut, parlez-moi d’une femme méchante !

Miss Bart la regarda en affectant un air de reproche :

— Je croyais que vous aimiez tant Bertha !

— Oh ! je l’aime… Il vaut toujours mieux aimer les personnes dangereuses… Mais elle l’est, dangereuse, et, si je l’ai jamais vue en veine de faire du mal, c’est dans ce moment-ci… L’air du pauvre George me renseigne à cet égard. Cet homme est un parfait baromètre : il sait toujours quand Bertha est sur le point de…

— De tomber ! — suggéra miss Bart.

— Ne dites pas d’inconvenances !… Vous savez qu’il croit toujours en elle. Et, bien entendu, je ne prétends pas qu’il y ait rien de réellement coupable dans le cas de Bertha. Seulement, elle adore rendre les gens malheureux, et particulièrement ce pauvre George.