Page:Revue de Paris - 1905 - tome 1.djvu/702

Cette page a été validée par deux contributeurs.
696
la revue de paris

explication. Il est difficile, à distance, de se rendre compte du degré de précision de la fusée ; néanmoins, de la défectuosité des obus percutants des Japonais, on peut conclure que leurs projectiles fusants ne doivent pas être parfaits. On sait, en effet, que l’artillerie mikadonale ne possède pas d’obus à double effet, mais des munitions distinctes pour les deux genres de tir. Or, on a pu constater, le lendemain de la bataille, qu’une proportion considérable des obus percutants n’avaient pas éclaté ; les Japonais paraissaient avoir prévu ce résultat, car leur premier soin, le lendemain du combat, avait été d’envoyer des équipes de fantassins chargés de relever l’emplacement des obus encore intacts ; les hommes fichaient en terre des baguettes surmontées d’un avis en caractères chinois, prescrivant de ne pas toucher aux projectiles avant l’arrivée des artificiers. Si les obus fusants ne valaient pas mieux, la prudence des artilleurs est très compréhensible ; on m’a affirmé qu’elle résultait d’une expérience cruelle, acquise sur les champs de bataille du Yalou et de Vafangou.

L’artillerie russe, de son côté, fut dans l’impossibilité, à cause de l’angle de site trop considérable, de battre le glacis où s’avançait l’infanterie ennemie. Son rôle se borna, pendant l’attaque, à tirer quelques dernières salves contre les batteries ennemies, qui ne répondirent pas. Toutes les pièces russes furent sauvées.

En ce qui concerne le feu de l’infanterie, j’ai déjà dit que les troupes d’assaut ne brûlèrent pas une cartouche en avançant ; après avoir occupé les tranchées des fusiliers sibériens elles ne purent poursuivre l’ennemi à coup de fusil, la pente raide du versant que descendaient les Russes leur assurant un angle mort complet. Ce fut le rôle des subdivisions placées sur le flanc, et auprès desquelles je me trouvais à ce moment, de prendre d’enfilade les troupes qui se repliaient sur Liaoyang. La distance était d’abord de huit cents mètres, et le tir continua jusqu’aux limites de la hausse. Le feu à volonté du début dégénéra bientôt en feu rapide et fut promptement arrêté par les officiers, qui commandèrent alors des salves de section. La raison qu’ils m’en donnèrent est l’inefficacité du feu rapide à grande distance et la nécessité de contrôler la consommation des cartouches, les soldats étant