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qui il a fait cet effet), d’immenses éloges, des formules magnifiques, mais au fond, et cela m’attriste profondément, pas de bienveillance. J’aimerais mieux moins d’éloges et plus de sympathie. D’où cela vient-il ? Est-ce que nous en sommes là ? Interrogez-vous consciencieusement, et dites-moi si j’ai raison. Si j’ai tort, dites-le-moi aussi, et aussi durement que vous voudrez. Je serais si heureux que vous me prouvassiez que j’ai tort.

» Avant de clore cette lettre, j’ai voulu relire pour la quatrième fois votre article, et mon impression m’est restée. Victor Hugo est comblé, Victor Hugo vous remercie, mais Victor, votre ancien Victor, est affligé.

» Je vous serre bien la main.

» v.»


À la veille de se détacher tout à fait, Sainte-Beuve est encore dans les dispositions les plus bénignes. Il accepte le reproche amical de Victor Hugo, il s’en justifie longuement, éloquemment, et proteste avec chaleur de son dévouement toujours entier :

[Ce 6 février 1833].

J’ai reçu avec un plaisir mêlé de douleur votre lettre, mon ami ; votre confiance et votre susceptibilité affectueuse m’ont été au cœur et je me suis demandé si j’avais pu vouloir les blesser, tout en me réjouissant de les trouver en vous si vigilantes et si sincères. Mais non ; ce manque de sympathie dont votre amitié s’inquiète, je n’en suis pas coupable, et si je n’ai pas été d’accord avec vous, ç’a été sur des opinions et des jugements extérieurs ; dans la conversation chez Guttinguer (en me la rappelant bien) il est bien vrai qu’il y a eu contradiction entre nous, mais rien de fondamental dont je me souvienne, une variation sur le plus ou moins de bêtise ou d’esprit de M. Lucas de Montigny, et ensuite sur la plus ou moins grande difficulté du drame en nos jours. Si ma contradiction vous a semblé autre chose qu’une pure controverse d’esprit, j’aurais été bien trahi par moi-même, par mon accent, et mes paroles. Quant à l’article sur Mirabeau, je conviens que l’admiration que j’ai pour certaines de ces grandes pages n’entraîne pas ma sympathie autant que d’autres écrits de vous où je suis à la fois étonné et convaincu… Je ne veux pourtant pas que vous disiez que vous n’y voyez pas de bienveillance. J’avoue qu’il y a dans cette nécessité de