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LETTRES DE SAINTE-BEUVE

insistant encore pour sa note que Buloz a définitivement repoussée. Il avait promis seulement un mot dans la chronique. Je suis arrivé hier soir à la Revue, lorsqu’il était en train de fabriquer cette note et j’en ai raccommodé la phrase de peur que sa plume n’aille trop à droite ou à gauche cela lui sauvera peut-être une brouille qu’il redoute fort. Quant au gentilhomme, il est tué moralement pour moi : et il faudrait de terribles expiations à une telle conduite et une palingénésie complète pour qu’il me revît dans son boudoir-sanctuaire, ou que son nom se trouvât dans aucun morceau signé de mon nom.

Je suis occupé en ce moment d’un article sur Béranger, lequel a bien du sens et du goût. Je le voyais, l’autre jour, à Passy, et chaque fois il m’entretient longuement de vous, vous appréciant bien juste, je vous assure, et croyant de plus en plus au développement croissant de vos vastes facultés. Il comprend bien sa situation vis-à-vis des générations nouvelles et elles l’en récompenseront.

Tout à vous de cœur et à bientôt, j’espère.
Sainte-Beuve


Le Roi s’amuse, dès le lendemain de la première représentation, est interdit par le gouvernement de Louis-Philippe. Victor Hugo et ses amis s’indignent et protestent. Sainte-Beuve, qui était déjà de l’opposition, est des plus animés et des plus ardents. Il veut mettre le National, dont il est rédacteur, à la disposition de Victor Hugo et lui ménage, à cet effet, une entrevue avec son rédacteur en chef, Armand Carrel.

Victor Hugo lui écrit :


« Ce samedi soir, 1er décembre [1832].

» J’ai vu Carrel, mon cher ami, et je l’ai trouvé cordial et excellent. Il m’a dit que vous n’aviez qu’à lui apporter demain un extrait de la préface (Renduel a dû vous l’envoyer ce soir), avec une espèce de petit article où vous diriez ce que vous voudriez, que le tout serait publié lundi matin dans la partie politique du journal. Il m’a déclaré qu’il croyait que c’était le devoir du National de m’appuyer énergiquement et sans restriction dans ce procès que je vais intenter au ministère, et il a ajouté de son propre mouvement que je pouvais vous prier de sa part de faire, d’ici à cinq ou six jours, un article politique étendu sur toute la question et sur la nécessité où est l’oppo-