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LA RÉFORME TUNISIENNE

également aux pouvoirs métropolitains qu’elle a demandé secours. La partie adverse usa des mêmes procédés et fit appel aux mêmes influences de la métropole, à la Ligue de l’Enseignement surtout, et à la Commission du budget. Le rapport de M. Chautemps prouve que leur action n’est pas demeurée inefficace, mais non sans quelque danger : sous prétexte de soustraire la Tunisie à la « direction réactionnaire » du quai d’Orsay, on propose de l’annexer au Pavillon de Flore, ce qui serait, quoi qu’on en dise, la suppression déguisée, mais réelle, du Protectorat.

Ce qu’il y a de fâcheux, c’est que, de part et d’autre, ayant introduit la politique dans le débat, on y apporte la passion et les vivacités d’usage dans les conflits politiques. De la meilleure foi du monde, le rapport de M. Chautemps tombe en des exagérations flagrantes. Et cette querelle d’attributions qu’on institue entre deux ministères, ou plutôt entre les bureaux de deux ministères, paraît n’avoir pas uniquement pour cause et pour but les intérêts tunisiens ; elle les menace plus qu’elle ne les rassure. La Tunisie tient fermement au Protectorat ; elle sait qu’elle lui doit beaucoup : elle le considère comme sa meilleure garantie de paix et de prospérité. D’ailleurs, avant la question du « rattachement », il faut, d’urgence, résoudre la question électorale. La Conférence devant siéger en avril prochain, en mai au plus tard, il n’est que temps de lui donner sa loi constitutionnelle, c’est-à-dire de régler sa composition et son mode d’élection, — ses attributions demeurant absolument inchangées.

À moins qu’on ne veuille perpétuer en Tunisie les querelles intestines, il faut renoncer aux décisions extrêmes et aboutir à une transaction acceptable pour les deux partis. Un modus vivendi sur lequel l’apaisement puisse se faire n’est point difficile à trouver. Aux débuts du Protectorat, il était tout naturel qu’on fît à l’Agriculture une situation prépondérante. Les « grands colons », prenant à coups de millions possession du sol tunisien, constituaient une sorte d’armée d’occupation pacifique. Ils représentaient, à ce moment, mieux et plus que personne, la colonie française. Aujourd’hui, ce qu’il faut encourager, c’est la petite colonisation, le travail, la main-d’œuvre, l’élément ouvrier qui devient de plus en plus