Page:Revue de Paris - 1899 - Tome 2.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
LA REVUE DE PARIS

routes plongeant dans les eaux sembleraient l’indiquer ; mais les légendes maories ne font pas mention de cela, et, tandis que l’Atlantide en sombrant a formé sous la mer des plateaux gigantesques, ici, autour de l’île de Pâques, tout de suite les profondeurs insondables commencent…

Cependant, une fatigue, à la fin, et comme une anxiété nous viennent de cette interminable marche en file espacée, entre les hautes herbes, dans ces étroits sentiers de sauvages, au milieu de tant de désolation, de mystère et de silence. D’ailleurs, ces statues couchées, que nous rencontrons à chaque pas, sont de tout point semblables à celles que nous connaissions déjà, plus grandes seulement, mais de même forme et de même visage.

Et nous réclamons à notre guide les autres que nous étions venus voir, les autres statues, les différentes, qui se tiennent encore debout…

— Tout à l’heure, nous dit-il, là-bas sur le flanc du Ranoraraku : c’est là qu’on les trouve, mais rien que là, en un groupe unique.

Du reste, les sentiers maintenant abandonnent la rive et tournent vers l’intérieur des terres, dans la direction du volcan.

Il y a une heure et demie environ que nous avons repris notre route depuis la halte de Vaïhou, lorsque nous commençons de distinguer, debout au versant de cette montagne, de grands personnages qui projettent sur l’herbe triste des ombres démesurées. Ils sont plantés sans ordre et regardent presque tous de notre côté comme pour savoir qui arrive, bien que nous apercevions aussi quelques longs profils à nez pointu tournés vers ailleurs. C’est bien eux cette fois, eux auxquels nous venions faire visite ; notre attente n’est point déçue, et involontairement nous parlons plus bas à leur approche.

En effet, ils ne ressemblent en rien à ceux qui dormaient, couchés pas légions sur notre passage. Bien qu’ils paraissent remonter à une époque plus reculée, ils sont l’œuvre d’artistes moins enfantins ; on a su leur donner une expression, et ils font peur. Et puis ils n’ont pas de corps, ils ne sont que des têtes colossales, sortant de terre au bout de longs cous et se