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On voit qu’on ne saurait faire au char de combat la part trop large dans notre reconnaissance et aussi dans nos espérances.

Eh bien ! il semble qu’on ne lui accorde pas l’importance qu’il mérite, ou du moins qu’on n’agisse pas comme si on la lui accordait.

L’invention du char de combat ne marque au fond qu’un stade de l’évolution de l’armement depuis que l’homme se bat, c’est-à-dire probablement depuis qu’il existe et qu’il cherche à porter à l’adversaire le plus de coups possible, tout en en recevant soi-même le moins possible : le cuirassement.

Ce fut d’abord le bouclier pour le guerrier antique, puis, au Moyen Âge, l’armure pour la cavalerie, devenue chevalerie et ensuite pour l’infanterie elle-même. L’invention des armes à feu et leur perfectionnement de plus en plus grand firent peu à peu disparaître, pour ainsi dire morceau par morceau, l’armure devenue insuffisante, et on ne trouva d’autre moyen de lutter contre les engins de destruction que dans la mobilité et la manœuvre.

Mais l’apparition des armes à tir rapide vint singulièrement compliquer le problème, en rendant l’attaque de front tellement meurtrière qu’elle devenait impossible. Cette inviolabilité du front, apparue pendant les guerres du Transvaal, de Mandchourie et des Balkans, s’affirma inexorablement au cours de la Guerre Mondiale, et, comme alors les lignes devenues continues depuis la mer jusqu’aux frontières des pays neutres, ne présentaient plus de flancs par où l’on pût risquer une attaque débordante, force était de rester figé face à face dans des tranchées. La situation menaçait de s’éterniser. C’est alors que le moteur avec ses muscles d’acier vint fournir la solution.

Mais il ne faut voir là que la première phase d’une invention, laquelle a été plutôt une improvisation. Celle-ci va se développer avec une rapidité au moins égale à celle de l’aviation et il y aura autant de différence entre les premiers