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Une telle dépendance n’a jamais, jusqu’à ce jour, existé dans l’histoire du monde. L’Inde, dans le passé, a toujours été dominée par des dynasties étrangères ; mais aucune d’entre elles n’a jamais étendu son autorité sur la totalité de la péninsule, ni tenté de subvenir, dans tous les détails, aux besoins des masses. De ces conditions sans exemple naît évidemment un danger : en raison même de cette dépendance le désastre serait colossal, si l’édifice venait à s’écrouler. L’effrayante situation qui suivit le déclin et la chute de l’empire Mogol se reproduirait, avec de plus profondes et de plus terribles conséquences.

Parmi les influences internes qui ont naturellement provoqué l’hostilité contre le gouvernement, domine celle des Brahmines, comptant quelque 14 millions de représentants répartis sur toute l’Inde. Les Brahmines constituent la classe héréditaire la plus privilégiée qui existe encore sur la terre. Intelligents, souples, sans scrupules, ils prirent rapidement avantage de l’éducation que nous leur avons offerte. Ils nous ont, en conséquence, fourni maints fonctionnaires de valeur et se sont assuré, dans certaines parties de l’Inde, la prépondérance dans les emplois du gouvernement ; en même temps que, dans les écoles primaires, ils fournissaient une forte proportion de professeurs. Leur influence est ainsi beaucoup plus grande que ne le justifie leur nombre ; mais leur prétention de dominer, en tant que caste sacerdotale, les castes inférieures, entre en conflit avec les principes de la justice occidentale, et leur pouvoir a dû être restreint, précisément dans l’Inde méridionale où il était le plus étendu. Dans le passé, ils furent souvent, derrière le trône, les véritables rois ; et le gouvernement Maratte, qui, à un moment donné, aspirait à remplacer celui des Mogols, était, jusqu’à sa chute (commencement du xixe siècle), entièrement entre leurs mains. Il était inévitable que les Brahmines ressentissent la perte de leur pouvoir. Ils furent au premier rang dans toutes les conspirations des récentes années et, sous la direction de Tilak, un Asitpawan, ils contribuèrent à provoquer la scission du Deccan et à fomenter les troubles qui suivirent la séparation temporaire de la « Nation Bengali » en 1905[1].

  1. La tourmente qui s’éleva au Bengale fut marquée par l’introduction dans