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70 millions résident sur les États Indigènes. Près de 94 p. 100 sont illettrés. Les classes qui parlent et écrivent l’anglais avec facilité, et qui cherchent à mettre la main sur le gouvernement de l’Inde, représentent au maximum 1 250 000 âmes.

Il existe 50 langues et de nombreux dialectes. Les deux principales religions — l’Hindouisme et l’Islamisme — sont partagées en plusieurs groupes. La première est divisée en des milliers de castes et de sous-castes, nettement opposées à certains égards. 50 millions environ d’individus sont classés comme « intangibles », et relèvent, pour leurs droits de citoyens, de l’autorité britannique. De plus, il y a environ 10 millions d’animistes qui vivent l’existence des tribus sauvages, immuable depuis des siècles.

Plus de 80 p. 100 de ces divers peuples sont agriculteurs, vivent de la terre et dépendent des saisons. Ils sont fort pauvres, si on les compare aux agriculteurs français ou anglais ; mais le soleil indien atténue les épreuves, et, en période de bonne pluie, il n’est probablement pas de population plus heureuse sur terre.

Tous ces faits, tous ces chiffres, ne parlent que peu à l’imagination de ceux qui n’ont pas étudié la vie et les conditions de la vie indienne dans le pays même. Le visiteur occasionnel, qui voyage sur un chemin de fer bien administré d’une grande ville à une autre, qui voit régner partout l’ordre et la paix, ne peut se faire aucune idée des violents antagonismes, tant de races que de religions, qui prennent racine dans le passé lointain et seraient prêts à revivre à n’importe quel moment, si l’autorité de l’administration britannique s’affaiblissait ou disparaissait. La paix de l’Inde, depuis la Mutiny, et l’apparente cohésion de ces peuples hétérogènes dues uniquement à l’autorité britannique, cependant que la frontière était gardée par une petite armée britannique formée d’hommes que nous avons su recruter parmi les classes guerrières. La sécurité, l’égalité devant la justice, les possibilités de progrès en vinrent à dépendre, pour les masses indiennes, du prestige et de l’autorité d’un petit nombre d’administrateurs britanniques[1].

  1. Le « Civil Service of India » ne compte pas plus de 1 200 fonctionnaires, dont 900 environ sont ordinairement à leur poste.