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— Vous avez perdu du sang.

— Il n’y a pas d’autre cause ?

— Non, puisque vos blessures ne sont pas dangereuses.

— Est-ce que, vraiment, il n’y a que mes blessures ?… J’ai le sentiment d’une aventure prodigieuse

— Ah ! — fit-elle.

Une curiosité différente, mais aussi avide que celle de Diane Montmaure lui fit demander :

— Quelle aventure ?

— Mes souvenirs sont confus comme un brouillard… On dirait qu’il y a longtemps… très longtemps…

Madame de Bréhannes fixait sur lui ses yeux verts et durs.

— J’ai encore soif ! — dit-il.

Quand il eut bu, il demeura quelque temps rêveur, puis :

— Sommes-nous loin de la bataille ?

— À plus de trois cents kilomètres.

— Les Allemands continuent à reculer ?

— Oui.

— Quel miracle !

— C’est Dieu ! — affirma-t-elle.

Il ne répondit pas. Ses cils battirent. Une grande incertitude embrumait son regard.

Louise de Bréhannes ne put réprimer davantage sa curiosité :

— Vous avez un frère, je crois ?

— On m’a déjà demandé cela. Non, je n’ai pas de frère.

— Ni aucun parent qui vous ressemble ?

— Aucun… J’ai peu de famille.


Dans la salle voisine, Formental auscultait Givreuse. Il ne lui trouva pas de fièvre ; le pouls était faible ; la température normale :

— Un sang pur ! — grommela-t-il.

Mais la faiblesse du malade était évidente.

— Avez-vous faim ?

— Un peu.

Formental était agité. Dans le déferlement des forces féroces, cette aventure prenait on ne sait quelle signification