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En un mot, la notion de périodicité suffit à elle seule pour constituer ces deux théories, modèles d’harmonie et d’élégance.

Mais par cela même on peut dire qu’elle avait rendu tous les services qu’on en pouvait attendre, et nulle autre notion fonctionnelle analogue ne paraissait offrir la même fécondité.

Deux exemples, qui ont inspiré Poincaré, étaient cependant déjà connus : je veux parler de la fonction modulaire (Hermite) et de l’inversion de la série hypergéométrique (Schwarz). Ils n’avaient pas fait apercevoir aux géomètres la généralisation hardie qui devait conduire aux fonctions fuchsiennes.

Cette généralisation était si audacieuse que le premier mouvement de Poincaré fut de la regarder comme impossible. Il nous apprend lui-même[1] qu’il s’efforça tout d’abord de montrer l’inexistence des fonctions dont il s’agit. C’est par une de ces intuitions d’apparence spontanée dont tout le monde a lu l’histoire dans Science et Méthode, qu’il s’engagea dans la voie opposée.

Un concours ouvert par l’Académie des Sciences sur l’intégration des équations différentielles linéaires, fut pour Poincaré l’occasion de faire connaître les fonctions fuchsiennes au monde scientifique ; et c’est en effet cette intégration qui joue dans leur genèse le même rôle que la quadrature dans celle des fonctions elliptiques ou abéliennes.

Mais, ici encore, ce n’est pas elle qui va être prise, tout d’abord, comme point de départ.

Le rôle que jouait précédemment la périodicité est ici dévolu, dans des conditions infiniment plus générales et plus variées d’ailleurs, à un certain ensemble ou, plus précisément, à un groupe de substitutions linéaires de la forme :

    (a,b,c,d constants).

La marche suivie sera, dans ces conditions, celle qui est suggérée par la théorie des fonctions elliptiques. Faisant abstraction du pro-

  1. L’exemple des fonctions fuchsiennes est précisément, on le sait, celui que Poincaré a choisi pour décrire au point de vue psychologique l’invention mathématique.

    Ajoutons que, chez Poincaré, l’idée première d’une recherche est toujours mise en évidence avec une merveilleuse netteté qu’on ne trouve pas toujours au même degré chez les plus grands maîtres. C’est dire que l’accusation d’obscurité lancée parfois contre lui nous paraît, du moins au point de vue du lecteur qui va au fond des choses, exprimer le contraire de la vérité.