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L’ŒUVRE D’HENRI POINCARÉ

LE PHILOSOPHE

Henri Poincaré disait, avec la simplicité qui lui était habituelle : « Si bien doué que l’on soit, on ne fait rien de grand sans travail ; ceux qui ont reçu du ciel l’étincelle sacrée, n’en sont pas exemptés plus que les autres ; leur génie même ne fait que leur tailler de la besogne[1] ». Docile à l’appel de son génie, Poincaré ne s’est pas contenté d’embrasser dans son œuvre proprement technique l’ensemble des problèmes mathématiques et physiques qui se sont posés aux savants de sa génération ; il a encore voulu tirer de cette œuvre une moralité capable d’éclairer l’esprit public, en lui donnant un sens plus délicat, plus exact, des conditions véritables et des résultats de la recherche scientifique. Dans les occasions les plus diverses, jusqu’aux derniers jours de sa vie, il a repris cette même tâche, avec une inlassable générosité, avec le souci constant d’agrandir le cercle de ses préoccupations[2], insensible d’ailleurs à l’admiration universelle et toujours incomplètement satisfait de lui-même[3]. L’entreprise le captivait de plus en plus, parce qu’il la jugeait utile pour le bien général, et sans doute aussi à cause de son extrême difficulté.

  1. Page iv de l’Introduction composée pour le recueil des notices biographiques intitulé Savants et Écrivains. Nous désignerons ce recueil par S. E. — Nous indiquerons de la manière suivante nos références aux recueils de la Bibliothèque de philosophie scientifique : La Science et l’hypothèse : S. H. ; — La valeur de la science : V. S. ; — Science et méthode : S. M. ; — Dernières Pensées : D. P.
  2. Il semble bien que Poincaré songeait à lui-même lorsque dans sa notice sur Halphen, il parle de ces mathématiciens « uniquement curieux d’étendre toujours plus loin les frontières de la Science, [s'empressant] pour courir à de nouvelles conquêtes, de laisser là un problème dès qu’ils sont surs de pouvoir le résoudre » (S. E., p. 135).
  3. Je n’ai jamais terminé un travail sans regretter la façon dont je l’avais rédigé ou le plan que j’avais adopté » (ibid., p. 139.).