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s’exerce, et tout cela est capital, qu’on en soit propriétaire ou qu’on l’obtienne par le crédit… Les capitaux, quelle que soit leur forme, sont destinés à la consommation[1]. » Il n’y avait donc pas lieu de tant s’élever contre cette déplorable locution de capital et d’en proscrire l’emploi. Que mettrait-on à la place ? Voici, paraît-il, ce que M. Courcelle-Seneuil proposerait : « Est-ce que le capital est un être concret et agissant ? Non, sans doute. Comment cet être de raison pourrait-il se trouver un facteur ? Le facteur, c’est l’homme agissant d’une certaine façon ou plutôt s’abstenant, épargnant. Pourquoi ne pas considérer et désigner l’homme qui épargne et mettre à sa place une abstraction[2] ? » Ainsi, voilà qui est clair, le mot capital n’est qu’une abstraction ; on l’a substitué à la réalité, à savoir : l’homme qui épargne. Qu’on mette donc partout l’expression homme qui épargne à la place de capital. Eh bien ! après cette substitution, je me trouve quelque peu embarrassé par l’interdiction de me servir du mot capital.

M. Courcelle-Seneuil n’entend pas non plus qu’on parle de la terre comme élément de la production. Il ne voit dans la terre qu’une espèce particulière de capital[3], ce dont je ne me scandalise nullement, et voici comment il parle de ces deux éléments de la production, la terre et le capital ; c’est à propos de la répartition et de la richesse. « L’étudiant comprendra-t-il mieux ce qu’on lui dira de la répartition ? Voilà qu’on lui parle de partager le produit entre la terre, le capital et le travail ; mais la terre ne produit rien par elle-même que des herbes et des épines, et le capital, quoique l’on dise, ne produit rien non plus. Les socialistes ont donc raison quand ils affirment que le travail produit seul toutes choses et que le travailleur ne reçoit pas la totalité du produit. Il est vrai que le professeur intervient, et met ses élèves en garde par une réfutation ou, pour parler plus

  1. M. Courcelle-Seneuil, Traité théorique et pratique d’économie politique, tome I, liv. i, chap. 11, § 6.
  2. M. Courcelle-Seneuil, Journal des économistes d’août 1885, page 301.
  3. Dans son Traité d’économie politique, loc. cit., après avoir énuméré les diverses espèces de capitaux, et parlé de leur plus ou moins rapide consommation, M. Courcelle-Seneuil ajoute : « La terre seule semble durer toujours et ne faire l’objet d’aucune consommation. Cependant, lorsque l’on observe les choses de plus près, on s’aperçoit que la terre, différente à certains égards des autres capitaux, subit aussi la loi commune. »