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ses yeux ne sont pas habitués… En suivant la marche que nous venons d’indiquer (l’analyse rationnelle), et que nous croyons la meilleure, on a constamment l’intelligence fixée sur les phénomènes réels, sur des faits concrets ; mais il faut qu’elle en écarte tout ce qu’ils contiennent d’accidentel et de contingent, afin de dégager les lois permanentes et universelles qui les régissent. Il faut donc se livrer à un travail d’abstraction constant et à des conceptions hypothétiques assez semblables aux constructions de la géométrie élémentaire. Il faut que les cadres soient assez larges pour comprendre l’ensemble des phénomènes et que l’analyse soit assez patiente pour les examiner dans tous leurs aspects successifs. Si l’on veut mener à bien ce travail délicat et difficile, il est indispensable de négliger et d’oublier même toutes les questions d’application, toutes les discussions contemporaines, afin d’interroger la nature face à face, sincèrement, sans arrière pensée, et d’accepter d’avance ses réponses quelles qu’elles puissent être. La plupart des économistes n’ont pas songé ou ne se sont pas résolus à prendre ce parti. De là des discussions nombreuses, souvent confuses, trop souvent inutiles, relevées directement par les adversaires… C’est dire assez que l’étude de l’économie politique pure sera longtemps, sinon toujours, accessible seulement à un petit nombre d’esprits cultivés, qui y trouveront des convictions inébranlables[1]. » Voilà certainement un programme, un plan d’étude qui donnera à réfléchir à quiconque serait tenté de se livrer à la recherche de la vérité économique.

Voici maintenant une thèse un peu différente. On a exprimé la crainte qu’il soit difficile de trouver assez de professeurs capables, et on se hâte d’ajouter : « Non pas qu’on doive pousser l’exigence bien loin, aussi loin, par exemple, que s’il s’agissait d’enseigner la physique ou la chimie, et vouloir que les professeurs connaissent l’économie politique. On apprend cette science, comme toutes les autres, quand on l’étudie, et il n’est ni impossible ni même difficile de l’apprendre en enseignant[2]. » Ailleurs, pour aggraver le reproche adressé aux jeunes profes-

  1. M. Courcelle-Seneuil, De la méthode applicable à l’économie politique. Journal des économistes de juin 1886, p. 323, 325, 329 et 335.
  2. M. Courcelle-Seneuil, L’économie politique dans les Facultés de droit. Journal des économistes de mai 1877, p. 186.