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« comprendre et de discuter des lois au point de vue législatif. » Et plus loin, après avoir constaté que le Code civil ne contient aucune doctrine sur le droit de propriété. « Il est évident d’ailleurs que la théorie de la propriété ne peut se trouver, dans un texte de loi, car la loi, bien qu’inspirée par une doctrine, n’a pas à s’occuper de doctrine ; elle ordonne ou défend. C’est au jurisconsulte qu’il appartient de posséder et d’enseigner, au besoin, la doctrine, chose impossible s’il se limite à l’étude du texte des lois, comme le veut notre contradicteur[1]. »

On ne saurait mieux établir la distinction entre la connaissance de la législation et la science du droit. Les textes, voilà la législation. La doctrine, la théorie, la raison d’être de la loi, l’idéal de la loi, voilà la science du droit. Ce que M. Courcelle-Seneuil dit du droit de propriété s’applique plus ou moins à toutes les matières, qui sont à la fois objet de la législation et objet de la science du droit. Du même coup, mon savant contradicteur a tracé le portrait du jurisconsulte chargé à la fois d’interpréter le texte de la loi et d’enseigner la science du droit. En vérité, il me semble que ce personnage n’a pas de si mauvaises habitudes d’esprit.

On n’oppose une fin de non-recevoir péremptoire aux jurisconsultes, aux professeurs des Facultés de droit, que pour arriver à cette conclusion, qu’il faut confier l’enseignement de l’économie politique à des économistes. Quoi de plus naturel, dira-t-on ? La chose n’est pas aussi simple qu’elle le paraît. Qu’est-ce, en effet, qu’un économiste ? Mais, apparemment, c’est celui qui sait l’économie politique et qui est ou se croit capable de l’enseigner. J’éprouve ici quelque embarras, et je ne voudrais pas qu’on me supposât l’intention de maltraiter les économistes pour la plus grande satisfaction des jurisconsultes, d’autant mieux que je suis autant l’un que l’autre, ou, si l’on aime mieux, aussi peu l’un que l’autre. Je préfère laisser la parole à M. Courcelle-Seneuil, dont le témoignage ne saurait être suspect, et qui va nous expliquer l’embarras dans lequel se serait trouvé le ministre de l’Instruction publique, s’il avait dû ne charger que des économistes de l’enseignement de l’économie politique. M. Courcelle--

  1. M. Courcelle-Seneuil, L’enseignement de l’économie politique dans les Facultés de droit. Journal des économistes de mai 1877, pages 177 et 181.