Page:Revue d’économie politique, 1887.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

acheter ou vendre, quelle qu’en puisse être la nature ou la forme.

Ce sont les besoins et désirs de l’homme, qui seuls donnent aux choses le caractère de richesse : toute chose que l’homme désire et demande, pour la possession de laquelle il est disposé à faire un sacrifice, constitue une richesse, quelle qu’en soit la nature : toute chose qui n’est l’objet d’aucun désir, d’aucune demande, n’est point une richesse.

Socrate montra encore que toute autre chose qui nous permet d’acheter ce dont nous avons besoin constitue une richesse, par la raison même qui fait que l’or et l’argent sont une richesse.

Il indiqua comme exemples les professeurs et les personnes qui gagnaient leur vie en enseignant les diverses sciences. Ces personnes, disaient-ils, obtenaient ce qu’elles désiraient en échange de l’enseignement qu’elles donnaient, comme elles l’auraient fait avec de l’or et de l’argent : la science est donc une richesse « αἱ ἐπιστῆμαι χρήματα οὖσαι », et ceux qui en sont les maîtres en sont d’autant plus riches « πλουσίωτεροί εἰσι. »

Or, la science, ainsi donnée comme un exemple de richesse, est naturellement un terme général comprenant le travail : car le travail, au point de vue économique, est tout exercice des facultés humaines dont on a besoin, qu’on demande et qu’on achète. Ce travail, cet effort intellectuel, ne tombent pas sous les sens de la vue et du toucher, mais on peut les vendre et les acheter ; la valeur s’en peut apprécier en argent : partout, d’après la définition d’Aristote, c’est une richesse.

Socrate, dans ce dialogue, montre que l’esprit a des besoins et des désirs aussi bien que le corps, et que les services que l’esprit désire, qu’il demande, qu’il paie, sont une richesse, au même titre que les objets matériels qui sont livrés, contre argent, pour la satisfaction des besoins du corps.

Ainsi, Socrate établit que les qualités personnelles sont une richesse, et qu’une personne se crée des ressources par l’exercice de son talent et de son travail, comme avocat, comme médecin, comme ingénieur, comme administrateur d’une grande compagnie, de la même manière exactement qu’une autre personne peut s’en procurer en vendant des marchandises matérielles.

Les qualités personnelles peuvent encore, en dehors du travail, avoir une valeur échangeable. Si un marchand jouit de ce qu’on appelle un bon crédit, il peut acheter des marchandises sans ar-