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tion de l’enseignement de l’économie politique, Victor Cousin déclarait que ce n’était pas à la pénurie de l’enseignement que tenait la situation où on se plaignait de voir la science ; que, du temps de Turgot et de Quesnay, il n’y avait pas de chaires ; que les livres de Bastiat avaient plus fait que trois chaires pour le développement de l’économie politique ; que l’enseignement libre devait précéder et amener l’enseignement officiel[1].

Les temps qui suivirent la Révolution de 1848 furent témoins d’un véritable déchaînement contre l’économie politique et ses représentants. Les socialistes, un instant au pouvoir, servaient les rancunes des protectionnistes contre les économistes libre échangistes. Michel Chevalier était à peine remonté dans sa chaire, que le conseil général de l’agriculture, des manufactures et du commerce le sommait, sous peine de destitution, de n’enseigner désormais l’économie politique qu’au point de vue des faits et de la législation qui régit l’industrie française. Dans son numéro du 21 février 1850, le journal l’Univers applaudissait à un discours de M. Donoso Cortès affirmant que le Socialisme est fils de l’Économie politique comme le vipereau est fils de la vipère. Dans son numéro du 20 juin suivant, ce même journal demandait la suppression de l’Académie des sciences morales et politiques.

Dans cette revue des opinions défavorables à l’enseignement de l’économie politique, on ne saurait oublier le curieux article paru dans la Gazette des Tribunaux du 4 avril 1877, au moment où l’économie politique venait d’être introduite dans les Facultés de droit. Ce ne sont pas précisément les conclusions de cet article qui sont déraisonnables, car l’auteur admettait, à la rigueur, qu’on enseignât l’économie politique dans les Facultés de droit : seulement, il ne voulait pas qu’elle fût matière d’examen. Ce qui est à noter, ce sont les motifs de cette disposition peu bienveillante : « L’économie politique n’a jamais été une science positive ; c’est tout au plus un art conjectural… Existe-t-il des textes pour l’économie politique ? Non certes. Là tout est fantaisie. Chaque économiste fait son système et condamne celui des autres. Chacun préconise sa recette, dont le résultat doit être de procurer infailliblement aux nations un enrichissement inouï et sans précédents. » Cela n’a pas besoin de commentaire.

  1. Cette discussion est reproduite dans le Journal des économistes, livraison de décembre 1847, pages 72 et s.