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conservés dans le temple lui-même : mais comme en raison de leur extrême mutilation ils intéressaient moins les artistes, personne n’avait pris la peine de les mesurer, de les dessiner, ni même de les compter. Tel est le travail dont se chargea M. Michaelis.

M. Kekulé a revu tous ces fragments, et il cherche à rétablir leur sens et leur place. La dissertation comprend cinq chapitres :

I. L’auteur parle d’abord d’Athena Nike à qui était consacré le temple. Il montre que la Victoire n’est pas à proprement parler une divinité. Elle ne personnifie aucune manifestation des forces naturelles, aucun des êtres que l’imagination rassemble autour du foyer domestique. Toutes les grandes divinités ont été d’abord des Victoires puisqu’elles aidaient à vaincre le peuple, la tribu, le héros qu’elles protégeaient. A Athènes, comme à Mégare, c’est Athena qui guide aux combats et qui assure la victoire, aussi est-elle appelée Athena Nike. Sophocle (Philoct., 134) lui fait dire par Ulysse ;

Νίκη τ' Ἀθάνα Πολίας, ἥ σώζει μ' ἀεὶ.

Et suivant une remarque ingénieuse de M. K. (p. 15), ce n’est pas par hasard, ou par le caprice des architectes, qu’un même ordre — l’ionique — se trouve à la fois employé au temple d’Athena Nike et à celui d’Athena-Polias (Erechtheion). Cet emploi simultané marque expressément la parenté, ou mieux, l’identité des deux déesses.

Niké ne doit son existence individuelle qu’au génie créateur des artistes : ils ont pu donner des expressions très-variées d’un type que la religion n’avait pas consacré. L’auteur étudie les représentations les plus répandues de la Victoire, mais ne perdant pas de vue Athènes et le temple en question, il cite deux inscriptions, très-importantes pour son sujet, desquelles il résulte qu’une génisse était sacrifiée à la déesse, dans ce temple même [1] ; or cette génisse est justement représentée sur les bas-reliefs de la balustrade.

II. M. K. passe en revue les explications proposées pour les sujets décorant la frise du temple et constate qu’on ne peut rien établir à cet égard vu la profonde détérioration des bas-reliefs. L’interprétation de Gerhard (première apparition d’Athena dans l’assemblée des dieux) parait la plus vraisemblable.

III. Description des vingt-huit fragments de la balustrade. Ceux qui ont quelque importance sont figurés sur les planches I, II, III.

IV. Restitution de la balustrade. Voici l’exposé sommaire de ce chapitre, où sont indiqués les résultats nouveaux auxquels l’étude des fragments a conduit M. Kekulé.

D’abord l’examen des lieux démontre que la balustrade dirigée de l’est à l’ouest, et faisant face au nord, formait un coude, dans la direction sud, le long du petit escalier qui aboutit d’une part à la terrasse, de l’autre aux grands degrés des Propylées. Ce petit côté de l’équerre, tourné vers l’est, ainsi que l’entrée du temple, était décoré de deux figures : 1o Une Minerve assise tenant son casque sur ses genoux et s’appuyant sur un rocher contre lequel était posé son bouclier

  1. Rangabé, II, 814 — Ephemeris 4078.