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M. LOUIS GANDERAX. — UiNE PROPHÉTIE.

les vœux d’autrui : par la témérité des siens, il est pro- bable, au moins, que M. de Vogué scandalisa les âmes du voisinage. 11 est certain qu’on lui reprocha, même en d’autres quartiers, d’être un peu chimérique.

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Or donc, quatre ans après (quatre ans ! un bien petit espace de temps pour l’Église et l’humanité), il s’est trouvé prophète. Ai-je besoin de rappeler cette lettre où le cardinal- secrétaire d’Élat consacrait l’adhésion de l’archevêque d’Alger au gouvernement de la République française? L’écho même de la Marseillaise était agréable au Va- tican! Si naguère un nonce avait imaginé que l’em- pereur allemand servirait le Saint-Siège auprès de son allié le roi d’Italie, la réalité, sans doute, avait corrigé cette illusion. Mais surtout ai-je besoin de rappeler cette ency- clique où le Souverain Pontife traitait de la Condition des ouvriers?" Le sort de la classe ouvrière, telle est la question qui s’agite aujourd’hui; elle sera résolue par la raison ou sans elle. » Et comment la raison avait- elle dessein de la résoudre? Après une déclaration de principe en faveur de la propriété, celte phrase toute seule était pour atterrer les économistes : « Que le pa- tron et l’ouvrier fassent tant et de telles conventions qu’il leur plaira, qu’ils tombent d’accord notamment sur le chiffre du salaire, au-dessus de leur libre vo- lonté il est une loi de justice naturelle plus élevée et plus ancienne, à savoir que le salaire ne doit pas être insuffisant à faire subsister l’ouvrier sobre et hon- nête. » Savez-vous que, sans les damner, voilà qui frappe les riches plus directement, plus lourdement que les menaces mêmes de l’Évangile ! — Ainsi, le vi- caire de Jésus Christ sur la terre apparaissait à la fois comme l’ami de la Fiance et l’avocat de la mi- sère universelle. Et toute l’Église, et particulièrement l’Église de France, alors, sembla tressaillir de bonne volonté.

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Six mois encore, à peine si mois ont passé. Par un médiocre incident, par un accident de notre politique intérieure, est-il vrai (]ue tout soit reperdu? Le pro- ])hète, en fin de compte, n’étail-il qu’un faux pro- I)hèle? — Eh bien, non! RemettoDs-DOUS, monsieur, d’une alarme ai chaude... On sait déjà que c’est l’Autriche et l’Allemagne (à bon entendeur, salut !i qui, l’autre jour, ont profité de l’occasion jiour se ra|)procher du Saint-Siège, et non le Saint-Siège qui s’est rajjproché de l’Autriche et de l’Allemagne. 11 voit exaucés tout à coup ses désirs touchant l’évêché d’Agram, les archevêchés de Cran et di’ kolocsa; pour celui de Posen, où, depuis le 30 mai l«O0, il refusait de nommer un Allemand, il a cette joie, enfin, d’y pouvoir nommer un Polonais : voilà sesavaiices! Léon XIII est toujours le même qui reprenait le Père Monsabré comme d’un manque de foi. parce que nos faiblesses morales, nos divisions politiques le fai- saient trembler pour notre avenir : «Mon fils! mon fils!... L’Évangile a une parole qui assure le salut de la France : Bienheureux les miséricordieux, car ils ob- tiendront miséricorde! » — Oui, vous l’entendez, c’est pour sa charité qu’il aime la France. Après la circu- laire, après l’annonce du procès, il écrit à l’arche- vêque de Reims : « Vous continuerez, cher fils, nous n’en doutons pas, vous et vos frères dans l’épiscopat français, à travailler de grand cœur et avec confiance à la sanctification et au bien-être de cette classe de citoyens voués aux travaux manuels. >> 11 écrit du même style, au même instant, à l’archevêque de Tou- louse: il écrit à l’archevêque d’Avignon, voisin de M-"- Gouthe-Soulard : « Il nous a été très agréable d’apprendre que vous attachez une importance capi- tale, ainsi que le clergé dont vous êtes le chef, aux enseignements de nos Lettres encycliques sur la Con- dition des ouvriers. » Pour une circulaire inutile et pour un procès fâcheux, il ne va pas se désintéresser de la misère universelle ni de la France, des pauvres eux-mêmes ni de cette Grande sœur des pauvres! Le sentiment de l’épiscopat. M" Perraud, évêque d’Autun, s’en est porté garant, fort à propos, dans sa lettre à M*’ Gouthe-Soulard : il enviait à son collègue <■ une admirable occasion de dissiper, une fois pour toutes, le malentendu qui depuis vingt ans se mêle sans cesse aux relations de TÉglise et de l’État... Redevable de l’Évangile éternel aux hommes de tous les pays et de tous les temps », l’Église « domine de bien haut toutes les vicissitudes et les querelles des partis ». La cause de certains conflits avec le pouvoir, il ne faut donc pas la chercher « dans une sorte de conspiration sourde et permanente contre les institutions que la nation française a choisies », mais dans certaines « mesures » qui, bien évidemment, ne font pas » partie intégrante » de ces institutions. M’" Gouthe-Soulard a saisi l’occasion que lui signa- lait M"" Perraud ; il l’a saisie avec moins de sang-froid, avec moins d’urbanité que n’eût fait son collègue : il n’a pas le ton académique. Dans sa défense même, il a <■ déployé », presque tout le temps, un peu plus que " toute la vigueur permise » ; mais quoi ! ilaura voulu, par ce qui précède et ce qui suit, donner plus de valeur à ces paroles : « Soumis en bons citoyens à la Consti- tution de notre pays, nous souhaitons un apaisement légal, nous nous en montrerons reconnaissants, et nous y travaillerons de tout notre cœur. » Ses >■ vivacités de langage », celles de l’audience et les autres, il ne les paye que d’une amende ; elle sera couverte plu- sieurs fois, sinon comme un emprunt russe, i)aruiie souscilplion imhliqnr. du moins |)iii<^es dons |)rivés.