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REVUE MENSUELLE

d’installer une tente pour me garantir des rayons du soleil, d’apporter même un simple pliant pour m’asseoir, sans être obligé de payer une redevance au fermier de l’Établissement de bains ou du Casino ?

N’y a-t-il pas là encore un abus contre lequel le public est en droit de s’insurger ?


réponse :

1o Le libre usage des plages et leur libre accès sont deux choses bien différentes. La plage, en tant que plage, fait partie du domaine public ; mais il n’en est pas de même de ses abords. Pas de difficulté lorsqu’il existe des chemins qui, de l’intérieur des terres, conduisent jusqu’à la mer ; mais quand, pour arriver au rivage, il faut passer sur le terrain d’autrui, il en va différemment. Le propriétaire riverain de la mer a pu pendant un temps plus ou moins long tolérer le passage sur ses terres pour accéder à la plage. Tolérance facile de sa part tant qu’il n’a eu affaire qu’à de rares touristes dont la visite faisait événement dans le pays. Mais quand, le cyclisme et l’automobilisme aidant, il a vu son domaine journellement traversé par des bandes joyeuses de touristes heureux d’aller s’ébattre ou se délasser sur la plage, il a tout naturellement songé à se défendre contre cet envahissement et l’idée lui est venue de se clore pour être tranquille. Cela est assurément fort regrettable pour les visiteurs en tournée ; mais c’est le droit incontestable du propriétaire et l’on ne peut rien contre. Charbonnier est maître chez soi, et pour être riverain de la mer, on n’en est pas moins… charbonnier.

On ne doit aucun passage au public qui veut se rendre sur la plage : on ne doit le passage qu’à la Douane pour son service de ronde d’inspection. Mais le chemin de Douane n’est pas un chemin public ; c’est une simple servitude, il suffit d’une clé pour en assurer à qui de droit l’exercice.

Le public n’a rien à dire à cela ; il est désarmé ; il ne lui reste que la ressource de contourner les barrières pour accéder à la plage si faire se peut, et s’il ne le peut pas, de s’en aller à la recherche de bords de mer plus accessibles ou de riverains moins fermés.

2o Nous avons dit que la loi du 20 décembre 1872 avait reconnu à l’État le droit de louer les plages de la mer au profit du Trésor.

En vertu de cette loi, il arrive souvent que l’État loue aux communes toute l’étendue des plages qui se trouvent sur leur territoire, et celles-ci rétrocèdent le bail à un entrepreneur de bains de mer ou de casino. Cette location est faite, comme nous l’avons indiqué, sous la réserve des droits du public qui conserve toujours la faculté d’user de la plage pour s’y promener, s’y reposer ou s’y baigner ; mais elle implique le droit pour le locataire de s’opposer à tout fait de nature à nuire à son exploitation.

Ainsi, le public peut bien s’asseoir sur le sa-

ble, il ne fait qu’user de son droit ; mais il ne peut y apporter un siège ou une tente pour y faire plus confortablement sa sieste, sans payer la redevance stipulée au tarif de la concession ; car ce sont là des installations dont le concessionnaire a le privilège exclusif, et c’est porter atteinte à son monopole que d’occuper une partie du sol qu’il a seul le droit d’exploiter.

De même pour les bains. La mer est libre, ouverte à tous ; mais nul ne peut établir une cabine sur la plage sans la permission du concessionnaire. Dura lex, sed lex !

Le législateur de 1872 n’a laissé au bon public que ce qu’il ne pouvait pas décemment lui prendre : le droit à la promenade, à la sieste et au bain. Un point, c’est tout.

Il est permis de trouver que ce n’est pas assez. Que voulez-vous ? Le Fisc a ses exigences. Il fait argent de tout, même des beautés de la nature. La location des plages de la mer est d’un bon rapport. C’est comme le « Sans Dot » d’Harpagon. Il n’y a rien à répondre à cela…

Henry Defert.


Lettre de Suède




Saltsjobaden, près Stockholm, 30 juillet 1899.

Mon cher Président,


Bien des fois, vous m’avez amicalement reproché de n’être pour la Revue de notre cher Touring-Club qu’un collaborateur intentionnel. Aujourd’hui je veux traduire mon intention en action. Aussi bien ai-je quelque chose à dire : quelque chose qui n’est pas surgi d’hier dans ma pensée, mais qu’un petit séjour en Suède vient de préciser et dont le récent article d’Hugues Le Roux dans le Figaro souligne l’actualité. Il s’agit de cette fameuse gymnastique suédoise qu’il est d’usage de beaucoup invoquer, chez nous, même lorsqu’on ignore totalement en quoi elle consiste.

J’ai toujours cru que la gymnastique suédoise — très scientifique et très rationnelle, digne par conséquent d’être honorée et étudiée — convenait aux jeunes enfants qu’elle intéresse suffisamment et aux malades, infirmes, anémi-