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iii. Une lettre de G. M. WITKOWSKI

Dans ce même numéro du Courrier musical, nous lisons une intéressante lettre de M. G. M. Witkowski adressée au rédacteur en chef de cette excellente revue, et dans laquelle notre ami et collaborateur émet, avec sa franchise coutumière, son opinion — peut être un peu paradoxale — sur César Franck :

Mon cher ami, tu me demande ce que je pense de César Franck.

Il me semble que Vincent d’Indy a exprimé, beaucoup mieux que je ne saurais le faire, tout ce qu’on pouvait dire sur cet admirable artiste.

D’ailleurs, je l’ai bien peu connu. Quelquefois, le dimanche, en descendant du train qui amenait à Paris le flot des Saint-Cyriens, je filais à la hâte sur Sainte-Clotilde ; je montais à l’orgue où l’excellent homme à qui l’on m’avait recommandé, me recevait toujours avec son exquise bonté…

Et alors, quelle joie d’écouter ses géniales improvisations ! Quel précieux dérivatif je trouvais à une vie d’où, hélas ! filtrait si peu d’Art !

Et maintenant, puisque tu veux mon avis critique sur le maître, le voici :

J’ai toujours été frappé par le caractère d’inégalité marqué de son œuvre entière…

Cette particularité s’explique aisément si l’on songe au délétère milieu artistique de l’époque, dans lequel ses nobles aspirations pour la musique pure avaient à se débattre inconsciemment.

Il n’a trouvé son véritable langage qu’à la fin de son existence, et celà, peut-être, en partie grâce à ses élèves.

Mais les œuvres de la dernière manière laisseront dans l’histoire de la musique un sillon plus durable qu’aucun de celles de ses contemporains, parce que, homogènes, profondes et sereinement belles, elles émanent d’un génie absolument complet.

G. M. Witkowski

Les Ouvertures de Rossini

Dans une lettre adressée à un jeune musicien, Rossini révéla son procédé pour la composition des Ouvertures de ses opéras qui font encore les délices d’un certain public. Voici cette lettre :

« Règle générale et invariable, attendre la veille même de la première représentation pour composer son ouverture. Il n’y a rien qui pousse à l’inspiration comme la nécessité, comme la présence agaçante d’un copiste qui attend votre œuvre, lambeau par lambeau, comme la vue sinistre d’un directeur en désespoir, qui s’arrache des poignées de cheveux. Les vrais chefs-d’œuvre du genre n’ont pas été composés autrement. En Italie, à mon époque, tous les directeurs étaient chauves avant la trentaine.

« J’ai composé l’ouverture de la Gazza Ladra non pas la veille, mais le jour même de la première représentation, dans les combles de la Scala, à Milan, où m’avait relégué le directeur, sous la garde de quatre machinistes.

« J’ai fait mieux pour le Barbier (1816). Je ne l’ai pas composée du tout, c’est-à-dire qu’au lieu de celle que j’avais primitivement écrite pour cet opéra extrêmement buffa, on s’est servi de celle que j’avais écrite pour un autre ouvrage Elisabetta (1815), opéra excessivement seria. Le public a été enchanté de la substitution.

L’introduction du Comte Ory, je l’ai faite en pêchant à la ligne, en compagnie de M. Aguado, qui ne cessait de me parler finances espagnoles.

« Quant à celle de Guillaume Tell, j’occupais un appartement au boulevard Montmartre, où se réunissait jour et nuit tout ce que Paris renfermait de gens saugrenus, qui s’en venaient fumer, boire, causer, hurler, piaffer, blaguer à mes oreilles tandis que je travaillais avec acharnement afin de les entendre le moins possible. »

Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE

Sigurd

Il fut horriblement massacré, samedi dernier, ce pauvre Sigurd qui a déjà tant de peine à se défendre tout seul ! Et il est difficile d’imaginer un ensemble plus médiocre d’artistes encadrés dans un décor et une mise en scène plus piteux et plus ridicule…