trop bien que quand il s’agit de Mendelssohn, il ne saurait être question de Meyerbeer, tant les routes qu’ils suivent sont différentes et vont dans un sens diamétralement opposé ; il sait aussi que pour obtenir une caractéristique de tous les deux, il n’est besoin que d’attribuer à l’un ce qui manque à l’autre… le talent excepté, qui leur est chose commune.
Souvent on est à se prendre le front entre les mains pour y sentir si tout y est bien à sa place dans un état convenable, lorsqu’on considère les succès que remporte Meyerbeer dans la saine Allemagne musicale et qu’on voit des gens, d’ailleurs honorables, des musiciens même (qui du reste contemplent avec joie la victoire plus silencieuse de Mendelssohn) dire de cette musique qu’elle est quelque chose.
C’est l’esprit tout rempli encore de la souveraine image de la Schrœder-Devrient, dans Fidelio, que j’allais pour la première fois entendre les Huguenots. Qui ne se réjouit d’une audition nouvelle, qui n’en augure rien ? Ries avait écrit que plus d’un passage des Huguenots était à placer à côté de certaines pages de Beethoven, etc… ? Et que disaient les autres, que disais-je moi ? Moi, j’approuvai tout net Florestan qui tendant contre l’opéra son poing fermé laissa tomber ces paroles : « Après le Crociato j’ai encore compté Meyerbeer parmi les musiciens, après Robert le Diable j’ai hésité, mais, après les Huguenots, je le range sans façon parmi les écuyers de Franconi. » De quel dégoût nous remplit l’œuvre entière, dégoût qu’il nous fallait constamment surmonter pour rester encore, c’est ce qu’il est impossible de dire ; nous en demeurions affaissés, tout fatigués de dépit. Après une nouvelle audition, il s’est trouvé en somme plus d’une chose à l’avantage de l’auteur et qu’il faut excuser, mais l’arrêt final est resté le même et j’ai crié sur tous les tons à tous ceux qui osaient placer les Huguenots à côté de Fidelio ou de quelque autre œuvre analogue « qu’ils ne comprenaient rien à la chose, rien, rien ! » Du reste je ne me suis prêté à aucune œuvre de conversion, on n’en serait pas venu à bout.
Un homme d’esprit a parfaitement dépeint la musique et le drame par ce jugement : qu’ils jouent alternativement dans une maison de joie et dans une église. Je ne suis pas moraliste, mais cela révèle un bon protestant d’entendre son plus précieux chant sacré, crié sur les planches, cela le révolte de voir le drame le plus sanglant de l’histoire de sa religion ravalé à une farce de foire pour servir à gagner de l’argent et des applaudissements, oui l’opéra le révolte depuis l’ouverture au style sacré ridiculement vulgaire, jusqu’au final après lequel il ne reste plus qu’à être brûlés vifs au plus tôt.
Que demeure-t-il en fin de compte des Huguenots, sinon qu’on se borne à exécuter sur le théâtre des criminels et qu’on y expose en spectacle de faciles prostituées ? Examinez seulement toutes choses, et voyez où tout aboutit. Au premier acte, une orgie d’hommes bruyants et au travers, détail bien raffiné, une seule femme mais voilée. Au second acte, une orgie de femmes au bain et au travers, pour bien émoustiller le public parisien, un homme, mais les yeux bandés. Au troisième acte, mélange des tendances libertines et sacrées ; au quatrième, préparation de la boucherie et enfin, au cinquième, égorgement dans l’église. Débauche, assassinat et prière, il n’est pas question d’autre chose dans les Huguenots. C’est en vain qu’on y chercherait une pensée pure durant tant soit peu, un sentiment vraiment chrétien. Meyerbeer cloue le cœur sur la peau et dit : « Voyez, le voici, on peut toucher du doigt. » Tout est factice, semblants et cafarderie. Et quels héros et quelles héroïnes, deux mis à part, qui ne s’effon-