Page:Revue Contemporaine, serie 1, tome 1, 1852.djvu/7

Cette page n’a pas encore été corrigée
7

ce, la littérature, l’art, si on les prend à leur point de vue le plus général, n’ont, en effet, ni limites dans le temps, ni frontières dans l’espace. On les retrouve partout et toujours. C’est un immense commerce pour lequel il n’y a point de douanes, et qui réunit tous les siècles et toutes les contrées, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, l’Orient, la Russie ; quoi de plus ? le monde ancien et le monde nouveau dans l’espace, le monde ancien et le monde nouveau dans le temps.

Au XIXe siècle surtout, nous sommes dans une époque où la rapidité des communications supprime la distance ; l’humanité redevient d’une même langue, comme parle l’Ecriture : les chemins de fer rapprochent les intérêts, le télégraphe électrique communique l’ubiquité aux idées, la parole humaine vole avec la rapidité de la foudre, et le même homme pense, en même temps, à Londres, à Paris, à Bruxelles, bientôt à Vienne et à Berlin. Les capitales assises dans des régions divisées par les mers, s’entretiennent comme deux amis séparés seulement par la largeur d’un foyer.

Déjà les résultats de ces découvertes commencent à se produire. Qui ne s’en souvient ? On a vu, dans l’année que nous laissons derrière nous, toutes les industries du globe traverser les mers et les continents pour apporter leurs tributs si divers dans la même ville ; et Londres, devenu pour un moment le bazar universel, a réuni dans le même édifice l’encyclopédie industrielle du monde sous les regards d’une population cosmopolite accourue de tous les points de l’univers habité.

Cette rapidité, cette universalité des communications, en rendant le commerce des idées plus facile, doivent le rendre plus intime, plus général et plus étendu. Il n’est plus permis, même aux gens du monde, d’ignorer les mouvemens intellectuels, non-seulement de la France, mais de toutes les capitales de la civilisation. On ne sait plus en effet où commence et où finit le voisinage ; ce qui était éloigné, il y a vingt ans, est proche ; ce qui était proche est réuni. L’humanité, cette armée dont chaque soldat est un peuple, serre ses rangs. Or, l’histoire nous l’apprend, lorsque Dieu, dont la providence gouverne le monde moral dans lequel la liberté humaine se meut, permet que ces immenses découvertes s’accomplissent, c’est un signe que de graves événements intellectuels se préparent, et un motif de plus pour concentrer dans le même foyer tous les rayons qui brillent sous les