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leur savoir et leur manière de prier. C’est là qu’était venu le trouver l’ordre d’Andronio. Sa mission diplomatique l’avait d’abord conduit à Naples. De la cour du roi Robert, il avait passé dans celle de Philippe de Valois, dont il n’avait rien obtenu, et il s’était enfin adressé au pape Benoît XII, qui n’était pas plus disposé que ces deux rois à guerroyer contre les infidèles. Les entretiens de Barlaam furent d’un grand secours pour Pétrarque, qui brûlait comme lui de lire Aristote dans sa langue ; et cette langue était à peu près ignorée en Italie, quoique dans cette France que notre poète appelait barbare, Oresme et tant d’autres eussent pu la lui enseigner. Barlaam rechercha lui-même l’amitié d’un homme qui était déjà célèbre à tant de titres ; mais le séjour de l’envoyé d’Andronic ne fut point assez long pour que l’amant de Laure put lire l’original de l’Iliade.

Un illustre d’un autre genre devint en ce même temps l’objet des empressements de Pétrarque : c’était Simone de Sienne, l’élève de Giotto, que Benoît XII avait appelé pour l’embellissement de son palais pontifical. C’était le premier peintre de l’époque, et notre poète retira de cette amitié un trésor qu’il souhaitait depuis longtemps : le portrait de sa chère Laure, que le peintre obtint sans doute par surprise, et que le poète paya de deux sonnets aussi précieux pour la mémoire de Simone que sa Madone et sa Déposition de Croix, dont deux églises de Naples sont dépositaires. Ce portrait n’était pas propre à calmer le solitaire de Vaucluse ; et s’il faut en juger par ses vers, jamais l’amour de Pétrarque n’avait eu autant de violence, jamais son langage n’avait été plus passionné. Les Italiens ne trouvent point d’expressions assez fortes pour louer les trois canzoni, qui se rattachent à cette période de son amour et de sa vie ; ce sont les trois grâces, les trois Vénus parfaites, les divines odes. « La poésie italienne, » s’écrie Muratori, n’a rien produit de plus exquis ; » Et Tassoni, dont la critique n’a point épargné l’idole des Toscans, les appelle les reines des canzoni, déclarant qu’il aurait suffi de ces trois ouvrages pour placer la couronne de laurier sur la tête de leur auteur.

VIENNET, de l’Académie française.

(La suite au prochain numéro.)