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titres imaginaires. Ses services, ses dignités, ses alliances en faisaient déjà une des plus célèbres maisons de l’Italie ; et cette protection fut un grand bonheur pour Pétrarque et pour les lettres. « Jacques Colonne, dit-il, était un homme incomparable. Les dons que lui avaient prodigués la nature et la fortune n’avaient altéré ni sa simplicité, ni sa modestie, ni la pureté de ses mœurs. Supérieur par l’éloquence, il tenait le cœur des hommes dans ses mains, et son âme se montrait à découvert dans ses écrits comme dans ses discours. » Pétrarque fut séduit, Colonne disposa de son cœur ; et le poète, honoré de sa familiarité la plus intime, fut associé pour ainsi dire à cette famille. Le cardinal Colonne, frère de Jacques, ami des lettres et des sciences, faisait ses délices de la conversation des hommes qui les cultivaient. Il força Pétrarque d’être son commensal et son hôte. « J’étais, dit-il, dans sa maison comme dans la mienne. Ce n’était point un maître pour moi que cet homme, dont la simplicité, l’innocence et le savoir contrastait si fortement avec les mœurs de tant de princes de l’église. C’était le frère le plus cher et le plus tendre. » Son estime pour Pétrarque éclata dans une circonstance qui fait trop d’honneur à ce poète pour être négligée. Une querelle sanglante divisait les gens du cardinal. Il voulut faire justice ; et pour connaître la vérité, il obligea toute sa maison à prêter serment sur l’évangile. Ses frères mêmes, quoique revêtus de dignités ecclésiastiques, n’en furent point dispensés. Mais au moment où Pétrarque se présenta, le cardinal ferma le livre, et renouvelant à son égard ce que les magistrats d’Athènes avaient fait pour le philosophe Xenocrate, il lui dit : Arrêtez, Pétrarque, il me suffit de votre parole.

La maison du cardinal Colonne était le rendez-vous de tous les étrangers célèbres, que la cour du pontife attirait de toutes les parties de l’Europe. Ces réunions, que chaque jour renouvelait, furent pour Pétrarque une occasion d’acquérir cette variété de connaissances qui distingue ses ouvrages, et un moyen d’étendre la renommée qu’ils devaient lui mériter. Là se formèrent ses relations avec les savans de tous les pays. C’est là qu’il connut Richard de Bury, évêque de Durham, ministre et favori d’Édouard III, qui fut envoyé deux fois à Avignon par le roi d’Angleterre. C’était un savant de premier ordre, qui, passionné pour les livres, employait la plus grande partie de sa fortune à ces recherches dispendieuses. L’Europe lui devait ses premières grammaires hébraïques et grecques ; et les entretiens de ce prélat érudit ajoutèrent à l’instruction de Pétrarque. La famille du cardinal lui offrit encore deux amis et deux protecteurs : Jean de Saint-Vit, seigneur de Gensano, oncle du prélat, exilé de l’Italie par Boniface VIII, contre lequel il avait pris les armes, avait promené sa vie laborieuse et vagabonde à travers la Perse, l’Égypte et l’Arabie. Pétrarque interrogeait la vieillesse et l’expérience de ce guerrier qui avait rapporté de ses voyages une infinité de connaissances utiles. Étienne Colonne, son frère, que l’Italie comptait alors au nombre de ses héros, était pour ainsi dire le répertoire vivant de la ville éternelle. Il aimait à parler de ses grandeurs et de ses monumens, qu’il décrivait avec