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tion de sa critique, dans la ville mème qui, vingt-cinq ans auparavant, avait exilé le poète, qu’elle vengeait avec tant de barbarie. Pendant les tourmentes politiques, il ne faut que vivre pour passer des gémonies au panthéon, et du capitole à la roche tarpéienne.

Encouragé par de telles leçons, Pétrarque donna l’essor à son génie ; et les transports d’admiration, que ses essais firent éclater parmi ses compagnons et ses maîtres, achevèrent de déterminer sa vocation poétique. Ses premiers vers ne sont point venus jusqu’à nous. Les premiers que la postérité ait recueillis sont ceux d’une élégie latine qu’il composa sur la mort de sa mère. C’est au retour de Venise, où l’un de ses maîtres l’avait conduit, qu’il apprit cette triste nouvelle. Il cherche des consolations en perpétuant ainsi le souvenir des vertus et de la beauté de celle que la mort lui enlevait à l’âge de trente-huit ans ; et je dis à regret que la douleur lui laissa assez de liberté d’esprit pour mesurer le nombre de ses vers à l’âge de celle qui lui avait donné la vie. Petracco ne put survivre à la compagne de son exil ; et notre poète, orphelin à vingt-deux ans, revint avec son frère Gérard dans le Comtat, pour recueillir les faibles débris d’un héritage que les genş d’affaires avaient déjà dévoré. L’effet le plus précieux de cette succession fut, selon Pétrarque lui-même, ce manuscrit de Cicéron qui avait entraîné son enfance ; et il rendit grâces à l’ignorance de ses spoliateurs, dont l’avarice l’avait réduit à la nécessité d’emprunter de Thomas de Messine, son condisciple et son ami, les moyens de retourner dans son pays adoptif.

Voilà donc Pétrarque livré à lui-même, pouvant à peine suffire à l’entretien de son frère et de sa sœur, et chargé encore de son maître Convennole, qui, accablé d’ans et de misère, n’avait vécu que des bienfaits de Petracco. Le fils de ce généreux Florentin ne répudia point cette portion de l’héritage paternel : il aida Convennole du mieux qu’il lui fut possible, et, pour suppléer à l’insuffisance de ses ressources, il mettait souvent ses livres en gage pour subvenir aux nécessités de son vieux maître.

Le besoin d’un état se fit sentir enfin, et il choisit la cléricature, qui, en l’introduisant dans le palais pontifical, en le rapprochant de la source des grâces, ne lui imposait pas des devoirs assez austères pour le détourner des études qui avaient fait le charme de sa jeunesse. Il trouva dans ce nouvel état les moyens de subvenir à l’entretien de sa sœur Salvaggia et aux folles dépenses de son frère Gérard, qui se livrait sans scrupule à tous les plaisirs de son âge. Ses économies, les privations qu’il s’imposait à lui-même, lui permirent de faire face à tout et de donner, deux ans après, à sa sœur une dot convenable.

Que d’écueils environnaient cependant la jeunesse de Pétrarque ! Ardent aux voluptés, dans l’âge brûlant des passions, sans autre appui que sa raison, sans autre guide que sa vertu, il se trouva jeté dans le tourbillon d’une cour et d’une ville où la débauche et le libertinage marchaient tète levée. Le tableau qu’il a fait d’Avignon à cette époque nous présente cette ville comme un foyer de corruption et