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sa jeune femme Eletta Canigiani, et c’est là que, deux ans après, dans la nuit du 19 au 20 juillet 1304, elle donna naissance à notre poète, à l’heure même où son époux Petracco combattait vainement dans les rues de Florence pour reconquérir une patrie.

Baptisé sous le nom de Francesco di Petracco, le poète adopta plus tard celui de Petrarco. Son enfance fut errante comme sa famille. Sept mois après sa naissance, Eletta s’établit au bourg d’Inciza, dans la vallée de l’Arno, et ce déplacement a causé l’erreur des biographes, qui l’ont fait naître dans ce nouveau refuge de sa mère. Sept ans après, la cause des Gibelins ayant été relevée par la présence de l’empereur Henri VII en Italie, Petracco se rendit à Pise pour attendre les résultats de cette révolution nouvelle ; mais la mort de ce prince, empoisonné, dit-on, par un dominicain, ayant fait perdre à cette fa- mille l’espoir de rentrer dans Florence, elle vint chercher dans le comtat Venaissin le repos qu’elle ne pouvait plus trouver en Toscane. Les proscrits et les mécontens de l’Italie se rendaient en foule dans la ville d’Avignon, où Clément V avait depuis peu fixé sa résidence ; les Gibelins même trouvaient un asile à la cour du chef des Guelfes ; mais le nombre de ces réfugiés ayant encombré la nouvelle capitale du monde catholique, ceux que leurs affaires ou leurs devoirs n’obligeaient point à y séjourner refluèrent dans les autres villes du comtat ; et, quoique fixé lui-même à Avignon, Petracco adopta le séjour de Carpentras pour ses enfans et pour sa femme. C’est là que vint les rejoindre le grammairien Convennole da Prato, qui avait commencé en Italie l’éducation littéraire du jeune Pétrarque. Ce vieillard qui, voué depuis soixante ans à l’instruction de la jeunesse, comptait déjà au nombre de ses disciples une foule de cardinaux et de prélats, s’attendrissait au nom de son nouvel élève, et jurait qu’il n’en avait jamais eu de plus cher à son cœur. Une intelligence au-dessus de son âge et de son siècle le distinguait en effet de ses condisciples. Ceux-ci traduisaient à peine les fables de Phèdre et les sentences de saint Prosper ou plutôt de saint Augustin, dont le poète d’Aquitaine n’était que le collecteur, que Pétrarque expliquait de lui-même le latin de Cicéron. Il en avait découvert un exemplaire dans la bibliothèque de son père, et l’orateur romain était devenu son principal maître et la première passion de son enfance. Il lui dut, sans doute, cette élégance, cette douceur de style qui font le caractère de sa poésie, et ce fut peut-être un accident heureux pour la langue italienne que cette communication, cette familiarité que le hasard fit naître entre Cicéron et Pétrarque.

Mais les lettres ne menaient point alors à la fortune ; et, quoique son père fut loin de partager le mépris qu’on faisait de cette studieuse oisiveté, il dut songer à l’avenir de son fils et lui procurer dans la connaissance du droit le seul moyen de s’élever et de rétablir ainsi la fortune que les discordes civiles avaient enlevée à cette famille. Les universités de Paris, de Montpellier et de Bologne étaient depuis longtemps célèbres, et Pétrarque fut envoyé, dès l’âge de quatorze ans, dans la seconde de ces villes. Mais les écrivains du siècle d’Auguste