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vais déplu ; et je n’en avais pas moins de peine à comprendre comment une visite au grand-duc avait pu devenir un sujet si grave de mécontentement ; je taxai en moi-même de flagornerie le sentiment qui pouvait se soumettre à cette influence : il en ressortait à mes yeux une sorte d’humiliation pour celle à qui on voulait en faire accepter l’hommage.

J’avais une trop haute idée de l’impératrice pour la croire sérieusement susceptible d’une telle faiblesse ; et, loin de céder à l’orage, je résolus de le braver en me présentant le premier jour de réception au palais. Mes doutes furent bientôt éclaircis. L’impératrice m’ayant aperçu, affecta, contre son habitude, de passer devant moi sans m’a- dresser la parole : enfin en quittant le cercle, je n’eus plus l’avantage de baiser cette belle main, qui, donnée, créait la faveur et l’envie, retirée, faisait la disgrâce et l’oubli.

Je compris alors que mon bon temps’était passé, et qu’il serait inutile de lutter contre une défaveur qui se reproduirait dans la société sous toutes les formes. Le plus sage était de ne pas m’y exposer ; j’annonçai mon prochain départ ; et après avoir témoigné toute ma reconnaissance d’une hospitalité si bienveillante à mon début, je pris la route de la Suède, non sans payer en m’éloignant à cette belle capitale un bien juste tribut de regret.

J’étais néanmoins un peu fier de n’avoir encouru le déplaisir de Catherine qu’en répondant sans arrière-pensée aux bontés de l’héritier présomptif du sceptre ; et ces bontés, je devais en retrouver les effets dans la suite de ma vie forcément errante, puisque j’eus plus tard, en compensation, le bonheur d’en tirer quelque avantage pour le service de mon roi.

(Extrait des Mémoires inédits de M. le duc de Caraman.)