Page:Revue Contemporaine, serie 1, tome 1, 1852.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée
28

vous est familier. Or, je vous défie de me trouver dans tout ce qui est sorti de la plume de l’homme rien qui approche de la naïveté élevée, de la facilité profonde, de la simplicité sublime de ces paroles sacrées. Longin lui-même, littérateur païen, dans son traité du beau, n’a pu s’empêcher de reconnaître et d’admirer ces quelques mots de la Bible comme le chef-d’œuvre de la sublimité du style.

On a dit que le style c’est l’homme. Rien de plus vrai. Mais examinez de près, sans prévention et sans fanatisme, ce qui excite en vous le sentiment de l’admiration et du plaisir, en un mot, ce qui vous paraît beau dans les écrits de l’homme. Qu’est-ce que vous y trouvez le plus souvent ? Des mots bien arrangés, des traits bien choisis, des phrases sonores, des locutions recherchées. Rien qui, à un odorat délicat, à un esprit expérimenté, ne sente l’art, le travail et l’effort. Ici l’étude, la délicatesse, l’élégance, la grâce des formes trahit la pauvreté du fond ; on veut rehausser par le prix des ornements la banalité de la pensée. C’est la pauvreté se parant d’oripeaux, pour mentir la richesse ; c’est la laideur fardant pour affecter la beauté ; c’est le petit esprit cherchant, par de petits moyens, à se donner de l’importance, à couvrir, par le prestige de l’art, le défaut d’une grandeur réelle. C’est là le style de l’homme.

Mais dans les mots de la Bible que nous développons, c’est le style de la magnificence et de la majesté. C’est la grandeur de la pensée qui relève la vulgarité des mots ; c’est le sublime de la chose qui rehausse le style. « Dieu dit : Que la lumière soit faite, et la lumière se fit. — Dieu a dit, et le tout fut fait. Dieu a ordonné, et le tout fut créé. » On ne pouvait mieux exprimer l’absence de tout travail, de toute gêne, de toute difficulté, de toute incertitude de la part du Créateur en abordant son œuvre, et sa pleine confiance dans la sagesse de son dessein, dans l’énergie de sa volonté, dans la puissance de sa parole. Nous apprenons par ces expressions si élevées, si fort en dehors de la manière de s’exprimer propre à l’homme, que pour Dieu, vouloir c’est opérer ; parler c’est créer ; donner des ordres c’est faire des prodiges. Nous apprenons aussi par ces mots d’une beauté unique, que Dieu n’a pas eu besoin d’ourdir d’avance des plans, de former des desseins, de faire des études, d’arranger des causes, de combiner des éléments, de mesurer les distances, de calculer les poids, de balancer les forces.

Ces mots nous montrent Dieu, passez-moi ces expressions, s’épanchant hors de lui-même, hors des limites de sa réalité sans limites, se présentant au bord du néant, parlant au néant, et le néant l’entendant comme s’il avait des oreilles, lui obéissant comme s’il avait de l’intelligence, et se présentant à lui comme s’il avait été une réalité. C’est ce que saint Paul a aussi voulu exprimer par ces mots : « Dieu appelle les choses qui ne sont pas comme si elles étaient des choses ayant l’existence ! »

Convenez, d’après tout cela, vous qui connaissez le style de l’homme, qu’ici c’est le style de Dieu ; et que Dieu s’est fait lui-même des historiens dignes de lui ; et que l’œuvre de Dieu a été racontée dans un style divin.