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dement et son exécution immédiate, complète et parfaite ; dixit et facta sunt, mandavit et creata sunt. C’est le propre de l’homme de faire peu à peu ce qu’il fait, de le défaire même très-souvent pour le refaire sur un autre plan, sur d’autres proportions. C’est le propre de l’homme d’avoir besoin du temps, du travail, aussi bien que de mille moyens pour achever ses œuvres, et leur donner leur perfection. La Bible, dans ces mots divins, nous apprend que Dieu n’a eu rien à corriger sur son plan primitif, rien à en retrancher, rien à y surajouter ; mais que toutes les parties telles qu’elles sont sorties du néant, sur le commandement de Dieu, se sont trouvées parfaites en elles-mêmes et en harmonie avec la perfection du tout ; que dans le même instant où tout commence, le tout est ce qu’il doit être et atteint son complément, sa fin et sa perfection.

Mais remarquez qu’au latin, comme à l’hébreu, le mot « Dieu » est après le mot « créa » : creavit Deus. Là-dessus saint Ambroise dit : L’ordre même des mots a une signification toute particulière. Le mot « créa » précède le mot « Dieu. » L’effet nous est présenté avant la cause, afin que, par cette transposition de mots, qui nous révèle une chose faite déjà, avant qu’il soit dit par qui elle a été faite, nous nous formions une idée de l’incompréhensible célérité avec laquelle cette opération a été accomplie.

Faisant suivre le mot « créa » par le mot « Dieu, » Moise, dit encore saint Ambroise, paraît aussi nous dire : Voilà déjà le monde fait. Qu’il est grand, immense, merveilleux, étonnant ! Voilà une œuvre incompréhensible. Or, voulez-vous connaître son artisan ? voulez-vous savoir qui a donné en même temps avec tant de rapidité le commencement et la perfection à cette œuvre ? Cet artisan sublime est Dieu. Dans ce mot << Dieu » est la raison de tout, la cause de tout, qui explique tout, qui dit tout. Ce mot « Dieu » répond à toutes les objections, prévient toutes les chicanes, confond tous les sophismes, efface toutes les difficultés ; car Dieu est tout-puissant, et le Tout-Puissant peut tout, puisque sans cela Dieu ne serait pas Dieu. En entendant donc que c’est Dieu qui a fait le monde, il ne faut plus discuter, il faut croire ; audisti auctorem, dubitare non debes.

Rien n’est ensuite plus beau, plus sublime que cette parole : « Dieu dit que la lumière se fasse, et la lumière se fit. » C’est ce que plus tard a répété le prophète par ces mots : « Il a dit et le tout a été fait ; il a ordonné et le tout a été créé. » Que cette manière de parler des livres saints est magnifique, élevée, sublime ! On ne saurait trouver dans le langage humain un tour de phrase plus frappant, une formule plus propre que celle-ci, pour nous donner une idée exacte, autant qu’il était possible de nous la donner, de l’indépendance, de la toute puissance de Dieu. Le style est ici au niveau de la grandeur du sujet.

J’ai l’avantage de parler ici à un auditoire choisi, à des hommes d’esprit, à des intelligences distinguées. Tout ce que le génie de l’homme a produit de plus grand, de plus beau, de plus sublime et de plus parfait, en fait de littérature et de philosophie, vous est connu,