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pensée de rabaisser à son profit les littératures étrangères, à Dieu ne plaise ! Ces excommunications de littérature à littérature, outre ce qu’elles ont d’un peu puéril, seraient un anachronisme pour la critique moderne, qui a fait tomber toutes les douanes intellectuelles et qui admire chacune de ces littératures à sa place, comme le reflet naturel d’une civilisation, en les rapprochant par ce qu’elles ont d’humain, et en ne s’étonnant point outre mesure de ce qu’elles sont séparées par les caractères particuliers et distinctifs des nationalités différentes. Nous nous inclinons donc avec admiration devant les beautés si originales, si fraîches, si naïves ot tout à la fois si profondes et si indéfinies de la littérature allemande ; devant les fortes et puissantes inspirations de la littérature anglaise, qui a enfanté ces trois génies si fiers : Shakspeare, Milton et Byron ; nous ne méconnaissons point les richesses de la littérature espagnole et celles de la littérature italienne ; mais il y a un trait qui nous frappe dans la langue et la littérature française, c’est ce don qu’elles ont de communiquer et de répandre les idées. Le père de Mirabeau, écrivant à son frère le bailli, et lui parlant de son formidable fils, dont le rôle politique n’était pas encore commencé, lui disait : « Il a le don terrible de la familiarité. » Familiarité avec ceux qui sont au-dessus, familiarité avec ceux qui sont au-dessous, de sorte qu’il est en communication avec tous, cela se comprend de soi-même. Eh bien ! la langue et la littérature françaises sont, à ce point de vue, comme Mirabeau ; elles ont le don de la familiarité. Tout ce qu’elles expriment, elles le communiquent, elles le vulgarisent, elles le répandent dans toute l’Europe.

D’où cela vient-il ? Est-ce le résultat de ces qualités de précision, de netteté, de clarté, qui ont contribué à faire choisir la langue française pour la langue diplomatique ? Est-ce parce que notre littérature, fille des littératures antiques, a plutôt quelque chose de général que de particulier, d’humain que d’exclusivement national ? Est-ce enfin parce que le génie français est par essence sociable et expansif, et que ce peuple est un peuple initiateur ? Ou bien faut-il attribuer à ces trois motifs réunis le don que nous reconnaissons ici à la langue et à la littérature françaises ? La dernière hypothèse est la plus vraisemblable ; mais toujours est-il que ce don existe. Si la France n’est pas toujours la source, elle est toujours le grand chemin des idées. Elle transmet, quand elle ne crée pas. Soit qu’elle embrasse la vérité, soit