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— Oh ! ça, pour ce qui est de l’habileté, je l’accorde, il est plus fort que moi ; mais, pour la pureté du dessin, pour la fermeté des contours, enfin pour tout ce qui constitue une véritable peinture, le jeune homme a encore beaucoup à apprendre.

— Ceci est une vérité, et j’ose dire que, s’il n’étudie pas la manière du divin David, il n’aura jamais, comme moi, l’honneur de peindre une figure dans un tableau maître. Tu te souviens, Burichon, de cet enfant de chœur dans le tableau du Sacre ? Vous ai-je raconté cette histoire, mon neveu ?

— Oui, mon oncle.

— C’était une figure que le divin David avait recommencée cinq fois sans la réussir. Enfin, un jour je remarquai qu’il avait passé l’éponge sur son travail, et qu’ensuite il avait pris son chapeau, sa canne, et était allé se promener. Alors…

Pendant que M. Guerville continuait son récit favori, le vieillard tira Paul à part.

— Mon jeune ami, dit-il, venez me voir demain matin ; voici mon adresse ; mais surtout, pas un mot à votre oncle.

— J’irai, dit le jeune homme.

— Eh bien ? Burichon, qu’est-ce que tu dis donc à mon neveu ? interrompit l’académicien ; tu l’empêches d’écouter mes leçons. Je disais donc qu’à force de chercher j’étais parvenu à modeler une tête pleine de finesse et de sérénité…

— Je connais l’histoire, dit Burichon, et je vais m’habiller.

— C’est à six heures que nous dînons ; sois exact. — La sérénité, mon neveu, est une expression très-difficile à rendre, parce qu’elle ne modifie pas la régularité des traits. J’avais réussi au-dela de toutes mes espérances. Cependant, j’allais effacer ma figure, quand j’entendis du bruit…

— On ferme ! on ferme ! crièrent les gardiens de tous côtés.

— Viens, Paul, je te conterai la fin chemin faisant.

Pour la vingtième fois peut-être, le jeune homme dut subir l’anecdote jusqu’au bout.

A. DE BERNARD. (La suite à la prochaine livraison.)