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— Si tu mettais seulement la moitié autant d’ardeur quand tu copies David, en moins d’un an, tu serais de force à enlever le prix de Rome. Allons, achève ton magot puisqu’il est commencé. Nous, poursuivons notre promenade ; tout-à-l’heure, nous viendrons te reprendre.

M. Guerville continua sa rapide inspection de la galerie, entraînant avec lui Pauline qui aurait mieux aimé sans doute rester auprès de son cousin.

Pendant ce temps-là, notre jeune homme travailla avec tant de verve, qu’en moins d’une demi-heure il eut terminé sa dixième et dernière copie.

À peine était-elle achevée, que le petit vieillard arriva. Il avait l’air défait, et son attitude était moins triomphante que de coutume ; mais, Paul n’y fit pas mème attention.

— Vous avez fini ? demanda le vieillard d’un ton brusque.

— Voilà votre dixième toile, répondit Paul ; vous convient-elle ? Le vieux bonhomme regarda attentivement le tableau pendant quelques minutes, sans que son visage trahit la moindre impression agréable ou fâcheuse, puis il tira de sa poche cinq louis qu’il remit à l’artiste sans ajouter un seul mot.

— Avez-vous encore besoin de mes services, demanda celui-ci ?

Le vieillard fit un signe affirmatif.

— Voulez-vous que je vous fasse aux mêmes conditions dix copies du Tobie et sa famille qui est là bas ? C’est encore plus beau que ce portrait, mais c’est plus difficile à imiter.

— Non, nous verrons plus tard ; pour le moment, j’ai autre chose à vous demander.

— Je suis tout à vos ordres, dit Paul, qui commençait à prendre goût aux pièces d’or.

— Bien. Vous connaissez le Combat des Romains et des Sabins ?

— De David, ajouta le jeune artiste, qui sentit à ces mots un frisson courir par tout son corps. Vous voulez que je vous en fasse une copie ?

Le vieillard remua la tête de haut en bas avec un sourire qui signifiait : Vous m’avez compris.

— Non, fit Paul, ne comptez pas sur moi pour cela.

— Je vous donnerai autant pour ce tableau que pour les dix que vous venez de faire.

— Vous le couvririez d’or que je ne le ferais pas. Oui, oui, Tatius à droite, Romulus à gauche, Hersilie au milieu et des enfants qui roulent entre leurs jambes ; je connais cela, j’en ai assez.

Le petit vieillard parut fort déconfit à cette déclaration aussi claire que positive. Il étudia un instant la physionomie du jeune artiste pour voir si elle ne trahissait pas un regret, et comme il vit qu’elle n’exprimait rien qui lui fut favorable, il prit sa toile et s’apprêta à s’éloigner.

— Un moment, monsieur le traitre, s’écria derrière lui une voix connue.