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chinois dont l’usage est tantôt idéographique, tantôt phonétique, souvent fantaisiste au plus haut point 1 ; mais des générations de commentateurs indigènes a ont travaillé à déchiffrer ces textes , et, derrière le voile étranger, on peut admirer aujourd’hui le plus riche tableau psychologique de l’ancienne civilisation nationale. En mâme temps, dans ce recueil d’une époque où la littérature n’avait pas encore tué la poésie, on goûte le charme d’un lyrisme aussi puissant que délicat, plein de vie, de fraîcheur, d’émotion spontanée. C’est dire qu’entre tontes les anthologies de l’empire, le Manyôshou tient le premier rang.

Dans la foule des poètes qui s’y pressent, il faut choisir. Mais parmi eux, les Japonais distinguent justement cinq noms illustres : les « cinq grands hommes du Manyô », Manyô nogotaïka. Ce sont d’abord Hitomaro (fin du vu* siècle *) et Akahito 1. Par exemple, pour rendre tout simplement les deux syllabes koukou, qu’on trouve dans divers mots japonais, le scribe emploie trois caractères chinois qui, réunis, signifient 81 : en effet, kou veut dire 9, kou -kou, 9 fois 9, et 9 fois 9 font 81. C’est comme si, en français, pour rendre les deux premières syllabes du mot « scissiparité », on écrivait les chiffres 3 et 6 ; en lisant « trente-six-parité », on n’aurait plus qu’a deviner que ce mot veut dire scissiparité, attendu que 6 fois 6 font 36.

î. Un des plus anciens, Minamoto no Shitagô, s’y acharna longtemps avec ses collègues de la « Chambre des Poiriers » (v. p. lit, n. 3). Un jour qu’aucun d’entre eux ne pouvait armer à découvrir le sens d’un groupe de deux caractères, Shitagô, de guerre lasse, partit en pèlerinage au temple d’ishiyama (p. 178), pour aller de* mander à la déesse fovannonn (p. 261) une inspiration suprême ; après sept jours et sept nuits de vaines prières, il revenait, desespéré, à la capitale, quand un mot entendu par fortune, près d’une auberge, fut pour lui un trait de lumière : ce qu’il avait si longtemps cherché à dégager du rébus chinois n’était qu’un des adverbes les plus communs de la langue. Le dernier de ces commentateurs enthousiastes fut Kamotcbi Maçazoumi (1791-1858), qui consacra sa vie entière à l’étude du Manyôshou. C’était un pur savant : on raconte qu’une fois, le chaume de son toit ayant été tout à coup défoncé par une averse, il se contenta de changer de place, sans interrompre son travail. Son Manyôshou Koghi, « Signification ancienne du Manyôshou », en 124 volumes, fut enfin édité par le gouvernement impérial en 1879. — F. V. Dickins a traduit en anglais, d’après ce grand commentaire, de nombreuses naga-outa du Manyôshou {Primitive and Medixval Japanese Texts, Oxford, 1906). 3. Kakinomoto no Hitomaro est un personnage aussi célèbre que S eu connu :pour lui trouver une biographie, il a fallu imaginer des igendes. Un guerrier, apercevant au pied d’un plaqueminier (Diostyros kaki) nn enfant d une beauté surhumaine, aurait reçu de lui i révélation que, « né sans père ni mère, il commandait à* la lune et aux vents, prenant son plaisir dans la poésie » ; et cet enfant céleste, adopte par lui, aurait reçu le nom de l’arbre sou* lequel il /