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ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE

si bien qu’en une seule nuit, le tout fut réduit en cendres. On dit que le feu eut son origine dans une maison, employée comme hôpital provisoire, de la ruelle Higoutchitomi. Grâce au vent qui soufflait en divers sens, comme si on eût ouvert un éventail, les branches de feu se déployèrent. Les maisons éloignées étaient étouffées par la fumée ; les endroits plus proches, couverts par les flammes. Les cendres, montées au ciel, reflétaient l’éclat du feu et s’empourpraient ; et les flammes, détachées par la violence du vent, s’envolaient vers d’autres maisons en franchissant un ou deux tchô[1]. Et ceux qui habitaient au milieu de tout cela, comment auraient-ils gardé leur calme ? Il y en avait qui tombaient, suffoqués par la fumée ; d’autres mouraient soudain, dévorés par les flammes. Certains sauvaient leur corps, à grand’peine, sans rien emporter de leurs biens. Les sept trésors[2] et les dix mille richesses se changeaient en cendres. Combien grandes furent les pertes ! Seize palais de hauts dignitaires[3] furent consumés ; et d’autres maisons, sans nombre. Un tiers de la capitale fut anéanti. Des milliers d’hommes et de femmes périrent ; on ne saurait compter les chevaux et les bœufs. Tous les desseins de l’homme ne sont que sottise ; mais quelle chose ridicule surtout que de gaspiller ses richesses et d’épuiser ses forces pour bâtir des maisons dans une capitale exposée à tant de périls!

De nouveau, le 29e jour de la lune des deutzies[4] de la

    bâtiments. — Daïgakou, la « Grande Science », l’Université. — Mimmbou-shô, un des huit Ministères.

  1. Un tchô équivaut à 110 mètres environ.
  2. Shippô (d’après les Sapta Ratna du bouddhisme). La liste de ces choses précieuses, qui varie d’ailleurs, comprend d’ordinaire : l’or, l’argent, le cristal de roche, l’agate, l’œil-de-chat (v. p. 167, n. 3), la perle et le corail.
  3. Koughyô, les plus hauts fonctionnaires de la cour.
  4. Le 4e mois, anciennement appelé ouzouki (ou-tsouki). D’après le caractère chinois (4e signe du zodiaque), il faudrait traduire « le mois du lièvre » (ou, abréviation de ouçaghi) ; mais, à en juger par l’ensemble de ces vieilles dénominations, qui, lorsqu’elles ne rappellent pas quelque coutume populaire, se rattachent toujours à un phénomène de la nature, il me semble bien préférable de voir dans